tueufe fur un lit tapifle d’une belle moufle verte, Fontinalk
antipyretica ; mais bientôt entraînées par une pente rapide, le
fil du courant fe brife en écume contre des rochers qui occu-
pent le milieu de fon lit; tandis que les bords moins agités,
coulant toujours fur un fond verd, font reflortir la blancheur
du milieu de la rivière : & ainfi elle fe dérobe à la vue, en
fuivant le cours d’une vallée profonde , couverte de Sapins,
dont la noirceur eft rendue plus frappante par la brillante ver-
dure des Hêtres qui croiflent au milieu d’eux.
O n comprend en voyant cette fource, comment les Poètes
ont pu déifier les Fontaines, ou en faire le féjour de leurs
Divinités. La pureté ;de fes eaux, les beaux ombrages qui
l’entourent, les rochers efcarpës & les épaifles forêts qui en
défendent l’approche ; ce mélange de beautés tout à la fois
douces & impofantes, caufe un faififfement difficile-à exprimer,
& femble annoncer la fecrette préfence d’un Etre fupérieur à
l’humanité.
Ah ! fi P étrarque avoit vu cette fource, & qu’jl y eût trouvé
fa L aure , combien ne l’auroit-il pas préférée à celle de Vau-
clufe, plus abondante peut-être & plus rapide ; mais dont les
rochers ftériles n’ont ni la grandeur, ni la riche parure qui
embellit la nôtre.
J’ai dit que l’on regarde généralement cette fource’ comme
!e rendez-vous des eaux abforbées par les entonnoirs du Lac
de Joux : cette opinion doit être même fort ancienne , puif-
qu’en lui donnant le nom d’O rbe, on a paru la reconnoître
pour être la même, qui du Lac des Roufles vient tomber dans
le Lac de Joux ; on ne pouvoit cependant avoir là defius que
des conjeèhires ; jufques à ce qu’en 1 7 7 6 , un événement lin-
gulier en donna la démonftration. Comme dans les années
précédentes les Lacs s’étoient élevés plus haut qu’il ^àe convient
aux habitans de la vallée de Joux ; ils réfolurent de
réparer & de nettoyer tous les entonnoirs du Lac de Brenel.
Dans l’efpérance de les mettre à f e c , ils fermèrent par de fortes
digues le canal par lequel le grand Lac fe dégorge dans le
petit ; mais lorlque les eaux fe furent élevées à un certain
point d’un c ô t é , & abaiflees proportionnellement de l’autre ;
la preflîon de l’eau devint fi grande, qu’elle fit tout à coup
'rompre la d igu e ; cette chute donna aux eaux une agitation
extrême ; elles fe troublèrent de fond en comble ; & bientôt
après, l’O rb e , qui jufques alors avoit toujours été parfaitement
claire, parut trouble à fa fource , & prouva ainfi que fes eaux
étoient les mêmes que celles du petit Lac. La hauteur perpendiculaire
entre la furfàce du Lac de Joux & la fource de
l’O rbe, mefurée avec le baromètre, s’eft trouvée de 680 pieds.
§• 386\ Je n’ai point parlé d’un troifieme Lac qui fe nomme
L a â e r, par corruption, à ce qu’on d it , de Lacus tertius. On
¡le voit près du chemin, entre le village du Lieu & les Charbonnières
: il eft; fi petit qu’on devrait le nommer un Etang
plutôt qu’un Lac. Il eft très-profond ; & l’on dit dans le
pays, qu’il communique avec les autres Lacs par des conduits
fouterrains ; mais fi cela e f t , il faut que ces canaux foient très-
étroits , & qu’ils ne dépenfent qu’une quantité d’eau équivalente
à la petite quantité qu’il reçoit ; car comme il eft plus
élevé que les autres, fi ces ouvertures étoient grandes , il fe-
roit bientôt écoulé. Il s’étend cependant à une aflez grande
diftance par deffous les terres qui l’entourent, parce que les
herbes de fes bords ont formé par leur entrelacement une
R r
Troifieme
petit Lac.