Terres &
pierres chaf-
îees par les
glaciers.
-font au bord de ce r o c , preffe's par le poids de ceux qui les
fuivent, font pouffés dans le p ré c ip ic e ; la -matière f r a g i le '&
élaftique de ces maiTes g la cé e s , tombant fur des rochers plus
durs en co re , fe brife avec un fracas terrible , fupérieur quelquefois
à celui du tonnerre ; les glaces pulvérifées par la vio.
lence du c h o c , s’élèvent eh tourbillons de pouffiere à une
grande hauteur , & la partie la plus groffiere coule comme
un torrent, ou comme une; avalanche de n e ig e , jufques au
bas de la montagne.
L es glaciers mettent auifi en mouvement, & chaffent devant
eux les terres & les pierres accumulées devant leurs gla ce s , à
leur extrémité inférieure. Je vis ce phénomène en 1 7 6 4 , de
la maniéré la plus évidente, & j ’eus en même tems la preuve,
que ce mouvement avoit l ie u , même dans une faifon qui eft
encore l ’hiver pour ces montagnes. Comme le glacier & tous
fes alentours étoient en entier couverts de neige , lorfqu’il
pouffoit en avant les terres accumulées devant fes glaçons, ces
terres en s’éboulant fe renverfoient par deffus la n e ig e , & met-
toient en évidence les plus petits mouvemeus du g la c ie r , qui
fe continuèrent fous mes yeux pendant tout le tems que je
paffai à l ’obferver.
M a i s c ’eft en été qu’on voit les plus grands effets de cette
preffion des glaces contre les corps qui s’oppofent à leur defeente.
En voici un exemple. Au mois de Juillet 1 7 6 1 , je
paffois avec mon g u id e ,P ie r r e S im o n , fous un glacier très-
é le v é , qui eft au Couchant de celui des Pèlerins; jjobfervots
un bloc de Granit, de forme à-peu-près cubiqu e. & de plus de
40 pieds en tous fen s , allîs fur dés débris au pied du glacier,
& dépofé dans cet endroit par ce même glacier : hâtons-nous,
me dit P ie r r e S im o n , parce que les glaces qui s’appuyent
contre ce rocher, pourraient bien le pouffer & le faire rouler
fur nous. A peine l’avions nous dépaffé , qu’il commença à
s’ébranler ; il gliffà d’abord affez lentement fur les débris qui
lui fervoient de bafe ; puis il s’abattit fur là face antérieure ,
puis fur une autre f peu à peu il fe mit à rou ler, & la pente
devenant plus rapide , il commença à faire des b on d s , d’abord
petits & bientôt immenfés r on voy oit à chaque bond jaillir
des éclats, & du bloc même , & des rochers fur leiquels il
tomboit ; ces éclats rouloient après lui fur la pente de la montagne
, & il fe forma ainfi un torrent de rochers grands &
petits, qui allèrent fracaffer la tête' d’une forêt dans laquelle
ils s’arrêtèrent, après avoir fait en peu de momens un chemin
de près d’une demi-lieue, avec un bruit & un ravage étonnans.
§. 539. L es glaciers contenus dans de juñes limites par
Pévaporation, par la chaleur extérieure & intérieure, & par la
pente de leurs lits qui les entraîne dans les baffes vallées,
jpurniifent donc une nouvelle preuve de ces proportions admirables
que la Nature a établies entre les forcés génératrices
& les forces deftruitrices, par-tout où elle a voulu entretenir
une certaine uniformité. ï.
C a r les deux dernieres de ces caufes qui tendent à détruire
les glace s, agiffent avec une énergie d’autant plus grande, que
ces mêmes glaces font plus accumulées-. Plus leur maffe s augmente
, plus auffi la preffion de leur pefanteur les follicite à
defeendre dans les baffes vallées & dans les précipices ou elles,
font nécêffairement diffoUtes. Et en même tems, plus leur
épaiffeur eft grande, plus les froids extérieurs 'ont de peine à
Equilibre
entre les
caufes génératrices
&
les caufes
deftru&ri*
ces»