pouvoit les parcourir toutes fans danger : que feulement il falloit
fe garder d’un trou ou d’un puits , profond de plus de 600
p ied s , dont l ’oüverture fe trouvoit au milieu du fol de la plus
grande de ces galleries. Il ajouta, que c’étoit dans ce puits
qu’il étoit defcendu lui fix iem e , pour y chercher un tréfot
qui devoit s’y trouver fuivant une ancienne tradition, confirmée
par le bruit que rendoient les pierres qu’on y jetto it; car ces
p ie r r e s , après avoir fou vent frappé à droite & à gauche les
parois tortueufes du p u its , tomboient enfin fur quelque chofe
qui rendoit le fon d’un monceau d’or ou d’argent monnoyé.
Que déjà avant e u x , diverfes perfonnes avoient tenté de s’y
faire dévaler avec des cordes ; mais que dès qu’elles étoiènt à
une certaine p ro fond eu r, un Bouc noir s’élevoit du fond de
l ’abîme, leur mordoit les jambes & les contraignoit 'à fe faire
bien vite remonter : que pour écarter ce t infernal gardien du
tréfor ils s’aiTocierent douze bourgeois de C lu fe , firent pro-
vifion de reliques & de cierges bénis: , mirent un arbre en
travers fur l’orifice du puits, & fix d’entr’eu x , foUtenus par des
cordes & dévalés par les fix autrës, defcendirent aVec ces faintes
armes fans accident au fond du puits. Mais ils n’y trouvèrent
que des cailloux brifés qui rendoient ce bruit tromp eu r, deux
braffelets de cuivre & quelques offemens de Chamois. Que
cependant à force de chercher ils avoient apperçu au fond
du p u its , un trou ou un paifage très - é t r o it , par lequel ils
avoient pénétré dans une efpece de fallon fp a c ieu x , dont une
moitié étoit fous l ’eau & le refte à fec ; mais fans appercevoir
la moindre tracé de tréfor ; enforte qu’ils étoient revenus bien
confus , & avoient eu à leur retour la mortification d’effuyer
les huées de toute la ville qui étoit allée à leur rencontre. Je
lui demandai fi cette falle profonde lui avoit paru faite de
main d’homme ; il me répondit qu’il le croyoit a in fi, qu’ils
avoient même vu un inftrument de mufique, femblable à un
vio lo n , fculpté en relief fur le roc qui formoit un des murs
de cette falle , & même des couleurs paifées par deiTus la
fculpture,
C e bon vieillard me fit tout ce récit avec tant de fimplicité
& une fi grande apparence de bonne f b i , que j’aurois de la
peine à le révoquer en doute. Il ne me diffuada point de
vifiter la ca v e rn e , mais il s’oppofa fortement au defir que j’a-
yois de me faire caler dans le puits ; il me dit que c’étoit une
entreprife très-périlleufe , parce que la corde frottant contre
les parois tortueufes du puits, fe limoit & rifquoit de fe romp
re , & qu’eux n’avoient échappé à ce danger qu’en employant
de très-gros cordages qu’ils avoient fait faire exp rè s, & dont
je ne trouverais point à Clufe. Je fus fâché d’être obligé de
renoncer à la vue de cette falle & de ce v io lo n , mais je me
rendis au confeil .du vieillard, qui étoit pour moi une fécondé
Sibylle. Au défaut de flambeaux, je fis provifion de cie rge s,
& j’allai au village de Balme chercher un guide que le vieillard
Ul’avoit lui-même indiqué.
J’eus effe&ivement quelque peine a gagner l ’entree de la
ca ve rn e , fituée au milieu d’un ro c efcarpe , dont la hauteu r,
car j’y portai le baromètre, eft d’environ 700 pieds au deffus
de l ’Arve.
C e t t e entrée eft une voûte demi-circulaire, aifez régulière ,
d’environ 10 pieds d’élévation fur 20 de largeur. De s que
j’eus-< obfervé le baromètre & le thermomètre, & que nos
cierges furent allumés, nous nous enfonçâmes dans la caverne.
Son fond eft prefqu’horizontal, & le peu de pente qu’il a fe
C c c 2
Entrée de
la caverne.