Habitans
de la vallée
de Joux.
furface flottante, qui s’avançant toujours, & fe garniffant d’un
terreau né de la décompofition des parties qui périlfent, le
fermera une fois entièrement, fi l’on ne s’oppofe pas à fes progrès.
L e s deux Lacs & même cet étang font très-poiifonneux;
on y pêche fur-tout d’excellens Brochets.
§• 3 87. C e t t e pêche eft un des moyens de fubfiftance des
habitans de cette vallée. Ils font très-actifs & très-induflrieux,
& ils ont befoin de l’être ; car quoiqu’ils ayent des bois, des
pâturages, & même quelques terres arables qui produifent de
l’Orge & de l’Avoine, cependant leur population eft fi con-
fidérable, que les produétions du pays font fort au deffous de
ce qu’il faudroit pour les nourrir; mais ils exercent des arts
méchaniques , l’horlogerie , la ferrurerie ; ils fcient des plan-
ches, font des tavillons, & charient ces bois dans les vallées
inférieures, & jufques dans les plaines.
M a l g r é leur induftrie & leur goût pour les arts, on vante,
ou du moins on vantoit beaucoup autrefois, la pureté & h
fimplicité de leurs moeurs. Ils formoient un peuple à part,
fe marioient toujours entr’eux ; & il eft de fait, que quoiqu’il
y ait dans cette vallée trois grandes paroiffes, le Chenit, le
Lieu & l’Abbaye, il n’y a prefque que trois familles, les Ro-
c h a t , les R e y m o n d & les C h a i l l e t . Mais le fréquent abord
des étrangers qui vont vifiter leurs Lacs, les voyages qu’ils
font éux-mêmes plus fréquemment qu’autrefois hors de leur
pays, les ramènent peu-à-peu à la commune mefure.
U n goût qui les diftingue encore, fur-tout dans la paroiffe
de l’Abbaye, dont le Pont forme le principal village, eft celui
¿¡e la mufique facrée. Ils s’y exercent dès leur bas-âge, & ne
lailfent chanter à haute voix dans leurs églifes, que ceux qui
ont une belle voix, & qui favent en faire ufage. Ainfi le
chant des pfeaumes, qui dans les églifes réformées, des villages
fur-tout, refiemble à peine à de la mufique, forme chez eux
de vrais concerts.
§. 3 88. A p r è s nous être repofés auprès de la fource ,
nous i defcendimes en trois quarts-d’heure à Valorbe , grand
village où l’on trouve un nombre de forges & de martinets,
que met en mouvement la riviere d’Orbe.
L e Fer qu’on y travaille vient de la Franche-Comté. Ce
n’eft pas que la partie du Jura qui appartient à la Suifte „ ne
contienne des mines de ce métal : on en tiroit même autrefois
de la montagne qui eft derrière le village des Charbonnières
; c’ étoit une mine de Fer en grains, allez riche , dont
j’ai vu des échantillons ; mais les frais de l’extraction 8c de la
M o n , furpalfant les profits, à caufe da parti avantageux que
les habitans de cette vallée retirent de leùrs bois, cette mine
a été abandonnée. Nous allâmes la voir, mais nous trouvâmes
les puits & les galeries entièrement comblés ; l’entrée prefque
cachée par des ronces, avoit été pratiquée dans un roc de
Brèche calcaire, compofée de fragmens calcaires auffi, de formes
anguleufes & irrégulières.
§• 389. D e Valorbe nous remontâmes à Balaigre. En approchant
de ce village, nous commençâmes à revoir les Alpes,
qui dans les vallées de Joux & de Valorbe, nous avoient toujours
été cachées par la haute ligne du Jura que nous avions
à notre droite, mais qui fe montrent ici à découvert par une
R r z
Valorbe*
Mine de
Fer.
B'alaigre.
Cailloux
roules de;
■ Alpes,