A la vérité, quelques montagnes calcaires, même à de grandes
diftances des primitives, ont çà & là des couches inclinées, &
même quelquefois verticales : mais.ces exceptions locales n’eni.
pèchent pas qu’il ne foit vrai, qu’en g én é ra l, les bancs cal.
caires que l’on trouve dans les plaines qui font éloignées
des hautes montagnes, ont leurs bancs ou h o r izon tau x , ou
peu inclinés ; tandis qu’au contraire , lés montagnes qui s’ap,
prochent du centre des grandes chaînes, n’ont que très-rare,
ment des couches horizontales, & préfentent prefque par-tout
des couches fortemënt & diverfement inclinées.
O n peut fans quitter le M ô le , voir encore d’autres exem-
pies de cette o b fem tio n générale. L e Mont Saleve, iitué à
trois lieues des Alpes, tourne de leur côté fa croupe doucement
inclinée. Les Voirons qui en font plus rapprochés, ont
une pente beaucoup plus rapide ; l’inclinaifon générale des bancs
les plus élevés eft de 45 degrés. Ces deux montagnes ont
à la vé rité , du côté du L a c , des couches très-inclinées ( §. 23f
& 2 7 6 ) ; mais celles de Saleve font plus régulières que celles
des V o iro n s , en ce qu’elles fuivent exaélement la direélion du
corps même de la montagne, au lieu que celles des Voirons
coupent cette direélion prefqu’à angles droits.
L es chaînes baffes , que l’on voit derrière les V o iro n s , &
qui font plus voifines du centre des A lp e s , préfentent des
irrégularités & des inclinaifons plus grandes que la 'pente générale
des Voirons.
E t fi on fe retourne vers le m id i, on voit d’abord le Mont
B r e z on , dont la cime a des Couches taillées à p i c , & prefque
verticales. Les montagnes qui le fuivent au deflijs de la-vallée
du R epofoir, font très-inclinées & très-irrégulieres. Et nous
verrons dans la fu ite , des défordres bien plus grands encore
dans les couches des montagnes fituées plus près du centre
de cette même partie des Alpes.
§. 288. J e n’ai vu dans le Môle, qu’une feule caverne, &
elle n’eft remarquable qu’en ce qu’elle traverfe le rocher de
i part en part. Elle eft fituée au deflous & au Nord de la
pointe. Un Berger qui l’avoit découverte, me propofa de m’y
conduire ; j’acceptai cette o ffr e , efpérant d’y faire quelque découverte
intéreffante. Et certes fans cette efpérance, la vue
de la pofture dans laquelle il falloit fe mettre pour y en tre r,
m’auroit bien dégoûté de cette entreprife. On eft obligé
de fe coucher tout à plat fur le ventre , & d’ entrer en reculant
, les pieds les premiers ; parce qu’après avoir pénétré juf-
ques à un certain p o in t , on trouve une efpece d’efcalier taillé
dans le r o c , & fi rapide , qu’il ferait impoifible de le defcendre
la tête la première ; & le canal par lequel on y parvient eft fi
[ étroit, que fi l’on arrivoit la tête en avant, on ne pourrait
pas fe retourner. Après qu’on a defcendu cet efcalier, on trouve
une efpece de falle fpacieufe & çxhauifée , mais qui ne préfente
rien de bien remarquable ; je n’ai pas même pu découvrir
des indices qui m’appriffent avec certitude, fi cette ouverture
étoit l’ouvrage de l’A rt ou celui de la Nature. On
n’y trouye aucune apparence de minérais, ni d’aucune efpece
de /erre ou de p ie r re , qui ait pu engager les hommes à faire
cétte excavation. Il ne s’y forme point de Staladites. On
peut reflortir de l’autre côté du rocher par une ouverture plus
large & plus commode, mais comme elle donne fur une
pente très-rapide au deflus du précipice s ce pafiage ne ferait
pas fans danger.
Caverne.