"Bancs de
pierres & de
fable au milieu
des Glaciers.
Ce ne font
pas les Glaciers
qui les
yomiffent.
§. ? 3 7 . I l l'omble un peu plus difficile de rendre raifon
des amas de pierres & de fable, que l’ort trouvé entaffés dans
le milieu des vallées de glace , 8c à une fi grande diftance des
bords de ces'- vallées, qu’il paroît impoffible que ces amas viennent
des montagnes qui les bordent.
C e s pierres font ordinairement arrangées par lignés parallèles
un bord du glacier; & l’on voit fouveiit plulieurs de ces lignes
féparées par des bandes de glaces vives & pures. Quand’ on
traverfe la grande vallée de gla ce , à deux lieues au deffus de
Montanvert, on eft obligé de franchir quatre: ou cinq de ces
efpeces de retranchemens ; quelques-uns d’entr’éux font élevés
de 30 ou 40 pieds au deffus de la furface du glacier , ¡tant
par la quantité dès pierres qui les com p o fen t, que par les
glaces mêmes, qui garanties du Soleil & de la pluie par ces
mêmes amas ..demeurent au deffous d’eu x , beaucoup plus hautes
que là où elles font n u e s , & expofées à toutes les injures
de l ’air.
J ’a i vu quelques habitans des A lpes, qui ne fachant comment
expliquer l’origine de ces bancs, difoient que les glaces
repouffent en- hau t, & chaffent à leur furface ," tous les corps
étrangers qui fe trouvent renfermés dans leur intérieur , &
même les rochers mobiles & le fable, qui font au deffous d’elles.
Mais outre qu’une telle force feroit abfolument incompréhen-
fib le , il y a une difficulté plus grande encore ; c’eft que la
glace e f t , comme je viens de le dire , beaucoup plus élevée
au deffous de ces bancs de débris , que dans le refte de la vallée ;
enforte que ces débris ne font que recouvrir des arrêtes de
g la ce , qui ont quelquefois 15 ou 30 pieds d’élévation, dé plus
que les glaces nues qui les féparent. Il faudrait donc fuppofer
que
que la glace fe chaffe elle-même en haut, & cela précifément
& uniquement dans les places où elle eft chargée du plus
grand p o id s , ce qui eft tout à fait abfurde ; d’autant plus que
l’on obferve une continuité parfaite entre ces glaces ■couvertes,
& celles qui ne le font pas; on voit les méfBes fentes, les
mêmes accidens fe continuer de l ’une à l ’autre , enforte que
l ’on ne peut pas foutenir que l ’une foit originaire du fond &
que l’autre appartienne à la furface. V o ic i , je c r o is ,la véritable
raifon de ce phénomène.
O n trouve dans les hautes A lp e s , comme dans les plaines,
des montagnes qui font dans un tel état de cad u c ité , qu’il
s’en détache continuellement des fragmens , ou entiers , ou atténués
, fous la forme de terre & de fable ; & cela arrive , foit
parce que ces montagnes fe divifent naturellement en fragmens
de différentes fo rm e s , foit parce que les injures de l’air les
atténuent & les décompofent. Au printems fur-tout, lors du
d é g e l, des pluies chaudes & de la fonte des neiges, les parties
de ro ch e r , de fable & de terre que les gels avoient foulevées
& écartées, tombent fur les glaces contenues dans les hautes
vallées. Ces pierres, amoncelées fur les bords des glaciers,
obéiffent enfuite au mouvement des glaces , qui les portent.
O r nous avons déjà v u , que toutes ces glaces ont un mouvement
progreffif, qu’elles gliffent fur leurs fonds inclinés , qu’elles
defeendent peu-à-peu jufques dans les baffes vallées , que là
elles font fondues par les chaleurs de l’é té , & que celles qui
fe détruifent ainfi, font continuellement remplacées par le mou-
vem én t1 progreffif du glacier. Mais la partie inférieure des
vallées de glace n’eft pas la l’eule où elles fe fondent. Dans
les beaux jours de l’é t é , fur-tout quand il regne des vents de
M id i, ou qu’il tombe des pluies chaudes, elles fe fondent
M m m
Ce font de*
débris que
les Glacets
entraînent
vers le milieu
des vallées.