Couvent
des Yoirons.
§. 27^. C e Couvent eft fituë dans les b o is , au N o rd , &
prefqu’au fomraet de la montagne, à la hauteur de 468 toife*
au deflus du Lac. Il étoit habité par des Bénédiilins, qu;
fembloient avoir été placés là pour expier par leur ennui &
leurs fouffrances, la vie trop fenfuelle que l’on reproche aux
riches Communautés de ce t Ordre. Une Madonne en vénération
dans le p a y s , fous le nom de Notre-Dame des Voirons,
étoit l’objet de leur c u lt e , & la caufe de leur féjour dans cc
lieu, li froid & 11 fauvage. J’ai vu un de ces malheureux mar.
tyrs de la fuperftition, que l’air trop v if & trop froid de h
montagne avoit rendu perclus de gou tte , au] point qu’impo-i
tent de tous fes membres, les doigts noués & recourbés en
dehors , il fouffroit des tourmens affreux. Le Ciel laifé de
leurs fouffrances , permit que le feu détruifit leur malheureufe
demeure ; ils eurent la confiance de palfer un an ou deux foui]
une voûté que les flammes avoient épargnée; mais enfin on
leur a permis d’aller vivre fous un climat plus doux ; la Ma-
donne a été- transférée à A n n e c y , & la mafure demeure in-
habitée. Je me rappelle toujours en friflonnant, une cour
obfcure, qui occupoit ie centre du Couvent : cette cour étoit
une vraie glaciere,, remplie d’une neige qui ne fondoit jamais,:
& qui formoit au centre dé l’édifice, un foyer de froid &
d ’humidité , d’autant plus dangereux que l ’air étoit plus réchauffé
au dehors.
L es Chanoines réguliers du St. Bernard o cctipent, comme
nous le verrons dans la fu ite , un pofte beaucoup plus éleve
& plus fro id , mais leur habitation eft bien conftruite & biea
réchauffée. D ’ailleurs , leur vie toujours active, & toujours
utilement employée à l’hôfjfitàlité la plus noble & ' l à 'p lu s dé-
fintéreffée, leur fait fupporter fans peine & fans regret le s intempéries
tetnpéries de leur féjour ; au lieu que les malheureux Moines des
Voirons, confinés dans un endroit abfolument ifo lé , qui n’eft
Pur le paflage de p e r fo n n e , inutiles à tout b ie n , à charge à
eux-mêmes & dans une extrême pauvreté, n’avoient aucun ref-
fort, foit phylique , fait m o ra l, qui pût les foutenir contre la
rigueur de cette pofîtion. '
§. J’ai dit que la montagne des Voirons eft prefqu'ett-
\tiéremmt compofée de Grès ou de Pierre de fable. J’ai mis
I cette réferve à caufe d’une grande carrière de Pierre à ch a u x ,
■qui eft fituée près de l’extrémité méridionale de la montagne,
Ià-peu-près à la moitié de fa hauteur, au deflus du village de
■ Luffinge. Les bancs de cette pierre font prefque perpendi-
I culaires à l’h o r izo n , & dirigés de l’Eft à l’Oueft ; les couches
■ extérieures font minces & mêlées d’A rg ille ; mais les intérieures
■ font épaiffes & compares ; on s’en eft fervi pour la conftruc-
■ tion du pont fur la M e n o g e , entre Geneve & la Bonne-Ville.
I On m’a dit qu’il y a une autre carrière de Pierre à ch a u x , à-
■ peu-près à la même h au teu r , vers l ’extrémité feptentrionale de
■ la montagne, au deflous du Chalet de la Cervette.
J’aurois penché à c roire que le noyau de la mon tagne des
■ Voirons eft d’un rocher calcaire , fi je n’avois pas obfervé que
■ les Grès régnent non-feulement au deflus, mais encore au def-
■ fous de ces bancs c a lc a i r e sm êm e jufques au pied de la
I montagne.
§• 2 7 7 . L es Voirons ne font pas comme Saleve , fertiles en
I plantes rares; on n’y trouve que les plantes qui croiffent dans
■ les baffes prairies & dans les baffes forêts des Alpes, le Chry-
I fifplenium alternifolium , la Cacalia alpina, la Scandix odorataj
E e
Bancs calcaires
renfermés
entre
les Grès.
Plantes qui
fe trouvent
fur les Voi-
rons.