Les habi-
tans des Alpes
croyent
que les glaces
s’augmentent.
Formation
de nouveaux
glaciers.
Extenfion
des anciens.
Limites de
ces accroît
femens.
les pén étrer, & plus la chaleur intérieure de la terre a de force
pour les réfoudre.
§. 5 4 0 . L ’ o p in io n générale des habitans des Alpes eft
pourtant que les glaciers vont en augmentant, plutôt à la vérité
en étendue, qu’en hauteur ou en épaiffeur.
P r e m i è r e m e n t , il eft vrai qu’il fe forme de tems à autre
de nouveaux glaciers , dans des places où l’on ne fe fouvenoit
pas d’en avoir vu auparavant. Si à la fin d’un hiver abondant
en neiges, une grande avalanche s’arrête dans un endroit que
fa hauteur ou fa fituation tiennent à l’abri des vents du Midi
& de l ’ardeur du S o le i l, que Lété fuivant 11e foit pas bien
çhau d , toute cette neige n’aura pas le tems de fe fo n d r e , fa
partie inférieure, imbibée d’e a u , fe convertira en g la c e , l ’on
verra des neiges permanentes & même des glaces dans un endroit
où il n’y en «voit point auparavant. L ’hiver fuivant, de
nouvelles neiges s’arrêteront dans cette même p la c e , & leur
maffe augmentée, réfiftera encore mieux que la première fois
aux chaleurs de l ’été. Si donc on a quelques étés confécutifs
qui ne foient pas bien chauds , & qui fuccedent à des hivers
abondans en n e ig e s , il fe formera des g la c ie r s , dans des places
où l ’on ne fe fouvenoit pas d’en avoir vu.
L es mêmes caufes peuvent augmenter les anciens glaciers;
& ainii la fomme totale des glaces peut s’accroître , jufques
à ce qu’il y ait pkffieurs années de fuite, où il tombe
peu de neige en hiv er , & où les chaleurs foutenues pendant
l ’é té , fondent les nouveaux glaciers & réduifent les anciens dans
leurs juftes bornes.
C e foiit vraifemblablement de femblables alternatives, qui ont
accrédité un préjugé prefqu’univerfellement répandu parmi les
habitans des A lp e s , qu’il y a des périodes régulières dans l’ac-
croiflement & le décroiffement des glaciers ; ils difent que
pendant fept ans les glaciers croiffent ; & qu’ils décroiffent
pendant fept autres années; enforte que ce n’eft qu’au bout
de quatorze ans qu’on les voit revenir précifément à la même
mefùre.
L ’ e x i s t e n c e des périodes eft un fait certain , leur régularité
feule ' eft imaginaire ; mais comme on le fa i t , la régularité
plaît aux hommes, elle femble leur affujettir les événemens ;
& ce nombre myftérieux de deux fois fept années, affez grand
pour que le fouvenir de l’état précis des chofes fe foit effacé
de la mémoire de ces bonnes gens qui ne tiennent aucun re-
g iftre , a pu facilement trouver créance dans leurs efprits.
D ans toutes ces alternatives, les terrains une fois envahis
par le s .g la c e s , perdent leur terre végétale que les eaux des
glaciers entraînent, & ils fe couvrent de débris de rochers
qui les rendent inutile s, même après la fonte & la retraite
des glac.es : ainfi plufieurs habitans des Alpes pourroient dire
que les glaces les ont dépouillés de leurs héritages, fans que
cela prouvât que la maffe totale des glaciers s’augmente continuellement.
. § . 5 4 1 , S a n s prétendre donc n ie r , ni l’exiftence de quelques
nouveaux g la c ie r s , ni l’augmentation d’étendue de quelques
uns des. anciens, j’aurois penché à croire, que dans la totalité
il ne fe fait pas de grands changemens.
Périodes
d’accroiffe-
mens & de
décroiiTe-
mens.
Terrains
rendus fié-
riles par le-
glaciers.
Coniïdéra
tions ultérieures
fur
l’accroiffe.
rnent des
glaces.