montagnes, de grands objets d’admiration & d’étude. Ces
grandes chaînes, dont les fommets percent dans les régions
élevées de l’Athmofphere,. femblent être le laboratoire de la
Nature, & le réfervoir dont elle tire les. biens & les maux
qu’elle répand fur notre T e r r e , les fleuves qui l’arrofent, & les
torrens qui la ravagent, les pluies qui la fertilifent & les orages
qui la défolent. Tous les phénomènes de la Phyfique générale
s’y préfentent avec une grandeur & une majefté, dont
les habitans des plaines n’ont aucune idée ; l’aétion des vents
& celle de l’éleétricité aérienne s’y exercent avec une force
étonnante ; les nuages le forment fous les yeux de l’Obfer-
vateur, & fouvent il voit naître fous fes pieds les tempêtes
qui dévaftent les plaines, tandis que les rayons du Soleil brillent
autour de lui, & qu’au delfus de fa tête le Ciel eft pur
& ferein. De grands fpectacles de tout genre varient â chaque
inftant la fcene ; ici un torrent fe précipite du haut d’un
rocher, forme des nappes & des cafcades qui fe réfolvent
en pluie, & préfentent au fpectateur de doubles & triples arcs-
en-ciel , qui fuivent fes pas & changent de place avec lui. Là
des avalanches de neige s’élancent avec une rapidité comparable
à celle de la foudre, traverfent & fillonnent des forêts
en fauchant les plus grands arbres à fleur de terre, avec un
fracas plus terrible que celui du tonnerre. Plus loin de grands
efpaces hériifés de glaces éternelles, donnent l’idée d’une Mer
fubitement congelée dans l’inflant même où les aquilons fou-
levoient fes flots. Et à côté de ces glaces, au milieu de ces
objets
objets effrayans, des réduits délicieux, des prairies riantes
exhalent le parfum de mille fleurs auffi rares que belles &
falutaires, préfentent la douce image du printems dans un
climat fortuné, & offrent au Botanifle les plus riches moiffons.
L e moral dans les Alpes, n’eft pas moins intéreffant que
le phyfique. Car, quoique l’Homme foit au fond par-tout le
même, par-tout le jouet des mêmes paillons, produites par
les mêmes befoins Cependant, fi l’on peut efpérer de trouver
quelque part en Europe, des Hommes afTez civilifés pour
n’être pas féroces, & affez naturels- pour n’être pas- corrompus,
c’eft dans les Alpes qu’il faut les chercher ; dans ces
hautes vallées où il n’y a ni Seigneurs, ni riches, ni un abord
fréquent d’étrangers. Ceux qui n’ont vu le Payfan que dans
les environs des ville s , n’ont aucune idée de l’Homme de la
Nature. L à , connoiffant des maîtres , obligé à des refpe&s
aviliffans, écrafé pàr le faite, corrompu & méprifé, même
parades hommes avilis par la fervitude, il devient auffi abject ^
que ceux qui le corrompent. Mais ceux des Alpes , ne voyant
que leurs égaux, oublient qu’il exifte des hommes plus puit
fans ; leur ame s’ennoblit & s’élève ; les fervices qu ils rendent,
l’hofpitalité qu’ils exercent, n’ont rien de fervile ni de mer-
cénaire ; on voit briller en eux des étincelles de cette noble
fierté, compagne & gardienne de toutes les vertus. Combien
de fois arrivant à l’entrée de la nuit dans des hameaux écartés
où il n’y avoit point d’hôtellerie, je fuis aile heurter a la porte