Structure
de ces Chalets.
Vie labo-
lieufe des
L es Chalets qui bordent ces prairies, font de petites huttes'
dont les murs très-peu é levé s, ne font pour la plupart, qye
de pierres féches. T o u t le rez-de-chauffee de chacun de
ces petits édifices, ne forme qu’une feule p ie c e , dont une
moitié fert d’abri au b é ta il, & l’autre à fes gardiens ; la crèc
h e , haute de 1 8 pouces , fépare les Vaches de leurs maîtres
; elles y font attachées, & ont ainfi leur tête dans la
cuifine ou fe tiennent les Bergers. Cette même crèche fert
de fofa a la Bergere du M ô le , qui fe trouve ainfi' vis-à-vis
de fon f e u , affife entre les têtes de fes Vaches elle les careiTe
dans fes momens de loifir, paffe fes bras par deflus leur col,
& forme des tableaux dignes du pinceau des T é n ie r s . Le
feu brûle contre la muraille, une cheminée feroit une fupen
fluité difpendieufe ; la fumée fort par les joints des murs &
du toît. Une potence de bois, tournante fupporte la petite
chaudière dans laquelle on fait le fromage , & après qu’on l’en
a tiré , on fait de nouveau bouillir une partie du petit lait
avec une préfure plus fo r t e , qui en fépare une fécondé efpece
de fromage compaéte, que l ’on nomme Serai ou Sérac, Le
refte du petit lait que l’on a mis en réferve , fert à ramollit
le fec & groflier pain d’A vo in e, qui eft la principale nourriture
du pauvre payfan Savoyard.
U n petit réduit ménagé dans un angle , eft la laiterie ; &
au deflus des V a ch e s , quelques planches mal affemblées fup-
portent un peu de foin qui fert de lit aux maîtres de la mai-
fon. Quand je couche fur la montagne,- ces bonnes gens
m abandonnent leur petit réduit, trop étroit pouv fouffrir un
p a r ta g e , & vont dormir chez leurs voifins.
C e font pour l ’ordinaire, des femmes qui ont foin des troupeaux
du Môle : les hommes relient dans la plaine pour les
travaux des foins & des, moiffons. Quelquefois une mere
prend avec elle fon fils, ou quelqu’àutre petit garçon de i z
à 14 ans, pour garder les V a ch e s , pendant qu’elle fait le fromage
, & qu’elle vaque aux autres foins j de fon petit ménage.
La vie qu’elles mènent l à , eft extrêmement pénible. D ’abord
il faut qu’elles aillent chercher fur leur tête , à la diftance
¡d’une lieu e , toute L’eau dont elles ont befoiq. Enfuite il faut
fcu’elles fe halardent fur les pentes rapides, au deflus des pré-
■cipices, où les Vaches ne peuvent point fe tenir; que là elles
Jcoupent avec des faucilles l ’herbe qui y c r o î t , & qui- fans
■cela feroit perdue ; & qu’enfin elles rapportent cette herbe dans
|les Chalets „ p our fervir de. nourriture aux Vaches pendant
la nuit. .
j M ais la plus, grande de leurs peines eft celle que leur caufent
Ides coups de vent orageux- Ces coups de vent viennent du
ICouchant, au travers de la vallée des Bornes, en- face de laquelle
le ,Môle eft fitué : ils font fi violents, que. s’ils furpren-
nent lès Vaches à l’improvifte , auprès des bords efcarpés qui
Jfont au Levant de la montagne, ils les rènverfent, & les font
rouler, dans les p ré c ipice s , aulïï, aifément que les vents de nos
plaines-roulent des feuilles féches. Mais fi l’ouragan ne parvient
que par gradations à cette extrême violence , & que ces pau-
■vres animaux ayent le tems de fe mettre en ga rd e, un inftinct
■naturel leur apprend à tourner la croupe direélement au v e n t,
I& àt fe cramponner avec force dans -la terre en baillant la tête
J& en écartant les, jambes. Dès qu’elles ont pris cette p o ftu re ,
■ elles n’ont plus rien à craindre du v e n t , & elles fe laifleroient
laffonimer fur la place , plutôt que de faire le moindre meuve-
I ment avant que l’orage foit entièrement paffe.
payfans do
Môle.
Coups de
vent dangereux
pour
les troupeaux^