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18 2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Iles Mariannes, la portion septentrionale de Goam, alors pins sauvages et plus indocile
Histoire. que les autres, frirent sous les armes ; ceux de la partie méridionale, plus
16 7 2 (suite), doux et plus attachés aux missionnaires, résolurent de rester neutres et
d’attendre l’événement, qui sans doute auroit pu être funeste aux Espagnols
, si un renfort ne ieur fût arrivé.
Le galion qui alloit tous les ans de ia Nouvelle-Espagne aux Philippines,
jeta heureusement l’ancre, le 2 mai, au port d’Omata, et laissa aux
colonies nn renfort de soldats et de munitions ; ce qui n’empêcha pas
cependant que des rixes n’eussent lien encore entre les nouveaux venus
et les insulaires; la mort d’un Mariannais et d’une jeune fille, qui fut la
suite d’une de ces rixes, excita dans le pays un grand mécontentement.
Pour se mettre à l’abri des tentatives des naturels, qui avoient couru aux
armes, le gouverneur résolut de bâtir un fort à Agagna; il en poussa ies
travaux avec activité : mais quelques uns des travailleurs étant allés chercher
du bois sur une montagne voisine, tombèrent dans une embuscade,
et ne parvinrent qu’avec peine à s’en dégager.
Ce commencement d’hostilités détermina D. Juan de Santiago à intimider
les coupables par quelque coup hardi. Accompagné de vingt soldats,
il se porta à Toman , iieu près duquei, ainsi que nous l’avons dit, ie
P. Sanvitores avoit reçu le martyre ; tous les habitans avoient fui à son
approche; il se contenta d’y brûler une douzaine de maisons, dont celle
de Matapang faisoit partie. Deux routes conduisoient alors d’Agagna à
Tomon : pour se venger de l’incendie de leurs maisons, les insulaires imaOginèrent
d’embarrasser l’un de ces chemins avec des abattis d’arbres, et
semèrent dans i’autre, plus voisin du rivage, une multitude de pointes
d’os empoisonnés. D. Juan ne tarda pas à s’apercevoir du piège, et, pour
l’éviter, ii ordonna à ses gens d’entrer dans l’eau jusqu’au genou, et de
marcher ainsi dans ia mer en prolongeant ia côte. Un peu déconcertés par
cette tactique, les Tomonais se bornèrent à harceler les Espagnols de
dessus les hauteurs; de son côté, Matapang eut la hardiesse de s’avancer
vers ceux-ci dans sa pirogue, en les narguant par des chants outrageux :
une première décharge de mousqueterie ne l’atteignit point ; mais ayant
voulu par bravade s’approcher plus près encore, une balle lui perça le
bras. Les Espagnols continuèrent ieur retraite, malgré ies efforts et les
Histoire.
16 7 2 (suite ).
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 183
ruses de l’ennemi : néanmoins ils eurent queiques-uns des ieurs de blessés; lie s Mariannes
ie gouverneur le fut légèrement, et trois de ses soldats moururent de la
suite des coups qu’ils avoient reçus. Anigoa, Assan et Tépongan, villages
qui s’étoient ligués pour intercepter ia marche des Espagnols, voyant
leurs tentatives sans succès, vinrent, le 18 mai, implorer leur pardon et
demander ia paix : elle fut accordée, à condition qu’ils détruiroient chez
eux ies maisons des ©litaos.
Cette paix ne fut que partielle, et i’esprit de rébellion continua^ de
régner avec force chez un grand nombre d’habitans. Ces derniers, à la
vérité, comprimés par la crainte des armes à feu, avoient cessé ieuis
attaques directes ; mais ils tenoient ies Espagnols investis , pour ainsi
dire, dans Agagna, et, remplissant les environs de pièges et d’embuscades,
gênoient beaucoup les communications des missionnaires.
Tant d’obstacies ne ralentirent pas le zèle pieux du nouveau supérieur
de la mission, le P. Solano. Animé par ia reconnoissance qu’il croyoit
devoir à la mémoire de Kipoha, le premier insulaire qui s étoit déclaré
i’ami des ministres de la foi, ii entreprit, mais sans succès, de ramener
au bercail un de ses descendans, qui, baptisé et marié selon ies rites de
i’église, avoit abandonné sa femme pour vivre avec une concubine. Une
maladie mortelle vint surprendre le digne P. Solano au milieu de ses
travaux apostoliques, et il y succomba le i 3 juin, maigre tous les secours
qui lui furent prodigués, laissant la direction spiritueile de la colonie au
P. Esquerra.
Bravant l’espèce de biocus auquel on étoit soumis, ie nouveau supérieur
voulut aller fonder nn étabiissement à Ffflgna ( i ), bourgade située
à côté d’un rocher fameux par la superstition des insulaires. Les naturels
acceptèrent avec joie cette proposition ; et un terrain ayant été aussitôt
désigné, ils se mirent à l’ouvrage pour aider à la construction d une église.
Sur la demande qu’en avoit faite le P. Sanvitores, en 16 6 9 , ia reine
d’Espagne venoit enfin d’autoriser la fondation, sous son patronage, de
deux séminaires aux Mariannes, et d’envoyer ordre au vice-roi de la
( I ) L e nom de F o g n a , rocher situé près des bords de la m e r, dans les environs des îles
Pe'.adgi, au Nord-Ouest d’A g a t , n’a pas été écrit sur notre carte (p l. 5 9 ) , parce qu’ il nous reste
encore quelques doutes sur son gisement ex a ct. ( Voyez le § i . " du chapitre suivant.)