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Iles Carolines. supports), Oiifad s’en chargea, ce qui fit beaucoup de plaisir à ceux
De l’homme qui travaüloient, parce qu’ils espérèrent trouver moyen de le tuer et
en société.
de se venger du mai qu’il avoit déjà causé et qu’il pouvoit causer encore.
Mais lui, devinant leur projet, se pourvut de terre rouge, de charbon
et de cotes de feuilles de cocotier, qu’il eut soin de cacher ; ensuite il
commença à faire les trous, se réservant d’un côté l’espace nécessaire
pour s’échapper. Lorsque tout fut préparé, ii les en avertit; aussitôt ils
jetèrent sur lui un des poteaux, et le couvrirent de terre pour l’étouffer.
Olifad se retira dans le trou qu’il s’étoit ménagé, et se mit à mâcher la
terre rouge, qu’il jeta dehors; ses meurtriers crurent que c’étoit son
sang : puis , quand iis virent sortir le charbon qu’il avoit également
mâché, iis pensèrent que c’étoit son fiel, et en conclurent qu’ii étoit
mort. Cependant, avec ia côte d’une feuiile de cocotier, il perça le poteau
dans sa longueur, et étant sorti par-là, ii s’assit sur le haut sans
être aperçu. Depuis ce temps, ies arbres ont un coeur.
» L ’ouvrage terminé, les travailleurs se rassemblèrent pour manger.
Olifad commanda à une fourmi de iui donner un petit morceau de coco;
la fourmi lui en apporta ce qu’elle put. Par son pouvoir divin, il changea
cette fraction en un fruit entier, et dit ensuite à haute voix ; « Soyez
» attentifs, je vais partager mon coco. » A ces mots, les autres se retournèrent
, e t, surpris de ne l’avoir point tué, iis pensèrent qu’il n’étoit
autre quA/ous, c’est-à-dire, ie diable. Iis n’en persistèrent pas moins
dans ieur dessein de ie faire périr, et lui dirent d’aüer porter le dîner
au tonnerre. Olifad partit avec joie; mais, par prévoyance, se munit
d’une canne. En entrant dans ia maison du tonnerre, « Tiens, lui dit-il,
» je suis fatigué d’avoir apporté cette nourriture pour ta bouche dif-
» forme. » Le tonnerre voulut se jeter sur lui ; mais il se mit dans la
canne, et se sauva. C ’est ainsi qu’il remplit sa mission sans qu’il lui en
mésarrivât, au grand étonnement de ses compagnons.
» Ceux-ci i’envoyèrent de nouveau avec le dîner d’un poisson nommé
par les Espagnols bótete de espinas. Olifad partit, n’ayant qu’une coquille
pour sa défense. Une fois entré dans la demeure du poisson , celui - ci
s’empara de la porte, et voulut l’empêcher d’en sortir; mais, à l’approche
de la nuit, il posa sa coquilie sur la mâchoire supérieure de l’animai.
LIVRE III. — De T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t , i i i
et s’enfuit en passant par-dessus. C ’est pour cela, disent les Carolinois, Iles Carolines.
que ce poisson a sur cette partie un enfoncement. lÙ ffir
» Enfin on ie chargea du dîner d’un poisson à longue bouche appelé
feld dans le pays. N’ayant point trouvé ce poisson chez iu i, il donna
les vivres à ceux qu’il y rencontra, et partit. Le feia, à son arrivée,
demanda qui avoit apporté le dîner; et comme sa famille lui repondit
quelle n’en savoit rien, il prit un hameçon avec une longue ligne ,
et se mit à le jeter selon tous les rumbs de vent; i’ayant enfin tiré
du côté du Nord, ii enleva Olifad et le mit à mort.
» Les travailleurs ne le voyant pas reparaître, commencèrent à se
féliciter de sa perte. Cependant Lougheüng se mit à chercher son fils ;
et l’ayant rencontré sans vie et rempli de vers, il le ressuscita et lui
demanda qui l’avoit tué. Oüfad répondit qu’il n’avoit point été tué, mais
qu’il donnoit. Toutefois Lougheüng fit venir le feia, et lui donna un
coup de bâton sur la mâchoire supérieure ; aussi ce poisson a-t-il cette
mâchoire plus courte que l’autre.
» Ce fut alors qu’AIouelap, Lougheüng et Oüfad passèrent à ia gloire
et s’occupèrent à rendre la justice au genre humain.
„ Quelques insulaires, d’accord avec les autres sur tout le reste, admettent
sept personnes dans ia famille de leurs dieux, savoir : Ligopoup,
Kantal, Alouilap, Litefeo, Houlagouf, Longheling et Olifad.
» La coutume de leur offrir des cocos, des fruits de rima, & c ., est
générale. L’offrande est posée en plein champ ou en tout autre endroit,
pour le bonheur de ceiui qui la fait ou de celui qu’il a en vue. »
M. Bérard, qui a eu occasion de naviguer pendant quelques jours avec
les insulaires de Satahoual, ainsi qu’on le verra dans le chapitre suivant,
a remarqué la fréquence des prières qu’iis font en mer pour obtenir du
beau temps, détourner un orage et calmer un vent tempétueux ou contraire.
<c Lorsque l’atmosplière est à grain, dit cet officier, et qu’un nuage
noir paroît à l’horizon , les Carolinois , jusqu’à ce que le nuage ait dépassé
le zénith , prient à voix basse avec une profonde ferveur et une infinité de
gestes. Ordinairement deux hommes seuls se chargent de ce soin ; mais
quand le grain a une apparence menaçante, personne n’en est exempt;