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296 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Hes Mariannes. infirmité, qui ne paroissoit lui être incommode que par ie poids de fa
partie malade ; il me dit que , depuis plusieurs années, cette jambe avoit
commencé à grossir, sans lui causer de douleur, et qu’insensiblement
elle étoit arrivée au point où je la voyois, sans le faire souffrir davantage.
S’étant en effet accoutumé peu à peu à cette exubérance, il vaquoit à
ses affaires comme auparavant. Son mollet, mesuré à l’endroit le pins
large, avoit 22 pouces 3 lignes [o™,6o2 ] de circonférence; le reste de
la jambe avoit une grosseur relative et n’étoit point déformé ; le pied,
très-gonflé, offroit près des doigts une large turgescence véruqueuse.
» Un autre cas, à peu-près- semblable, me parut plus grave , en ce que
ie tissu cellulaire engorgé rendoit la jambe également grosse dans toute
son étendue, et qu’un pus sanieux découloit de plusieurs ulcères ouverts
à la partie inférieure. Cependant l’individu alloit encore aux champs,
et c’est là que je le v is , dans les environs du village de Méi'izo. Notre
pianche n.° 77 représente un sujet attaqué d’éléphantiasis et d’un engorgement
lépreux au coude.
Lèpre tuberculeuse. — » Dans ia seconde variété ia p ian, ou ia lèpre
tuberculeuse, le cas le plus singulier peut-être qu’on ait encore décrit,
m’a été communiqué par M. Jacques Arago, dessinateur de l’expédition,
qui l’avoit observé pendant son séjour à Rota, sur ia personne de Martin
Kikané, âgé de 55 ans [voyez planche 78). Né d’une mère lépreuse, if
commença, dès l’âge de trois ans, à voir son corps se couvrir de boutons
ou plutôt de vésicules, qui, avec ie temps, augmentèrent en quantité et
en volume. Sur les membres elles sont peu nombreuses, molfases,
élastiques , comme si elles étoient remplies de laine ; les plus grosses
semblent renfermer du liquide; la couleur de la peau n’est point changée,
même sur les tumeurs, excepté à leur extrémité, où elle est ridée et
noirâtre. Parmi ce grand nombre, on en voit deux remarquables par
ieur volume. La moins grosse occupe la partie antérieure du bas ventre
et retombe sur les cuisses ; le milieu de son extrémité rentre en dedans
et ressemble assez bien à l’ombilic d’une poire ; l’autre, plus considérable
, aussi volumineuse que le corps, tient toute la hanche du côté
droit, descend ie iong de la cuisse jusqu’à la jambe, et bat ie membre à
chaque pas. Il y a piusieurs années que Kikané, ayant reçu un coup de
LIVRE III. — De T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 297
bâton sur cette tumeur, heurta, en tombant, quelque chose de tranchant Iles Mariannes
D e l’homme
comme individu. qui y fit une ouverture ; ii en sortit, avec abondance, une humeur dont je D e l’homme
ne puis déterminer au juste la nature, et qui continua à s’épancher quelque
temps avant que ia plaie se fermât.
» Chaque jour, piusieurs de ces excroissances augmentent de volume,
et il en pousse de nouvelles sans lui causer la moindre douleur : la gêne
qui en résuite dans ses mouvemens est l’unique souffrance qu’il éprouve,
et il 'y est habitué depuis longues années. La plus grosse de ces masses
incommodes est supportée par un morceau d’étoffe qui croise sur l’épaule
du côté opposé. Cet homme est marié, et a des enfans qui paroissent
parfaitement sains.
Causes occasionnelles de la lèpre. — » Ce seroit en vain que nous nous
perdrions en conjectures sur les causes occasionnelles des diverses maladies
que nous venons d’énumérer. L ’air, l’eau et les lieux ne nous ont
présenté aucune modification particulière qui pût, à la longue, en développer
les germes.
» Nous n’en trouvons pas davantage dans les alimens. Ces peuples
vivent d’une manière frugale : le riz, ie maïs, les cocos , diverses fécules
nutritives, du poisson , et une petite quantité de viande de cochon ou de
cerf, forment ieur subsistance habituelle. Les hommes font quelquefois
abus d’eau-de-vie de coco; mais ies femmes, qui n’en boivent pas, sont
atteintes du même mal.
» Chez les Papous, j’avois cru reconnoître pour cause de la lèpre
écailleuse, la grande quantité de coquillages qu’ils consomment ; mais les
habitans de Goam ne font que rarement usage de cette nourriture, qui
d’aiiieurs n’est pas très-commune chez eux.
» J ’incline donc à penser que, si c’est dans les pays chauds qu’on a
le plus observé ce mal, il faut i’attribuer à l’action des rayons solaires sur
les indigènes , qui vont presque toujours nus, action dont i’intensité, provoquant
nne transpiration abondante, augmente la sensibilité de l’organe
cutané, qui se vicie à la longue et finit par donner lieu aux cruelles maladies
qui nous occupent. Peut-être doit-on y joindre l’influence de l’air
de la mer, chargé de particules salines plus ou moins irritantes? C’est
l’opinion de Bontius; et nous ne sommes pas éloignés de l’admettre, car
Voyage de l’ Uranie. ~ Historique. T . II. p p