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lies Mariannes. qui la piupart eussent résisté à un traitement long et méthodique ; des
D e l’homme
comme individu.
conseils et d’impuissans palliatifs, c’étoit ce qu’à regret nous nous trouvions
réduits à leur offrir.
Pian. — La seconde variété de lèpre (i ) dont ces peuples sont atteints,
est le pian, mai affreux qui les ronge et les mutile. Un bouton de l’apparence
et de la grandeur d’un petit furoncle, s’élève sur la peau, presque
sans douleur ni rougeur. Ordinairement, il reste quelques instans sta-
tionnaire; puis, se couronnant au sommet d’un point purulent, il s’ouvre
et un pus blanc en découle ; toute la circonférence devient plaie; et après
une suppuration plus ou moins longue, ia cicatrice se forme : elle est
tantôt irrégulière, cendrée et pius élevée que la peau environnante ;
d’autres fois, et c’est le cas ie plus commun, enfoncée, lisse et d’un blanc
laiteux qui contraste singulièrement avec la couleur ordinaire du teint
du malade. Les boutons, les ulcérations se succèdent, couvrent ie corps
et ies membres , puis se cicatrisent de la même manière. Heureux encore
ceux qui ne sont affectés du pian qu’à ce degré, car c’est le moindre, le
pins bénin, celui dont on voit quelques individus guérir par les seuls
efforts de la nature !
» La seconde espèce de pian débute aussi par des boutons, et, selon
l’idiosyncrasie des individus, a une marche plus ou moins rapide. Les
ulcères s’agrandissent, s’accumulent autour des articulations, et se multiplient
dans la continuité des membres; iis sont irréguliers, insensibles,
et ont leurs bords tranchés net. L’humeur qui en découle est blanche,
tenace, plus copieuse à la circonférence qu’au centre, où l’on remarque
ordinairement une substance blanchâtre, ressemblant à un point de cicatrisation.
Lorsque plusieurs de ces ulcères tendent à se réunir, la peau
qui les sépare se désorganise, et devient violacée, comme dans les scrofules.
Le pus a rarement de l’odeur, à moins que les soins de propreté ne
soient négligés. Le mai envahit-ii les jointures, il les ronge et détruit leur
action, jusqu’à ce que l’individu, épuisé par une suppuration excessivement
abondante, finisse par succomber. Mais remarquons bien que, dans
( i ) L es Espagnols de ce pays la nomment bubas ; il ne faut pas néanmoins la confondre
avec la s y p h ilis , qui est ainsi appelée en E sp a g n e , mais à laquelle le pian ne ressemble que
de nom.
LIVRE III. — De T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 289
cette affection, les membres ne se séparent point de leur articulation; lie s Mariannes,
ce qui forme une variété très-distincte de pian, dont nous allons bientôt D" l’homme
^ comme indiviclM.
parier.
» J ’ai vu que les membres de quelques-uns des malheureux qui venoient
me demander des secours, quoique rongés extérieurement par
ces plaies, étoient du reste dans leur état naturel, sans gonflement ni
changement apparent dans la peau ; mais, chez d’autres, ils étoient très-
durs, rénitens, avec engorgement total du tissu cellulaire. Ce désordre
se faisoit remarquer sur-tout aux jambes, qui devenoient difformes, plus
grosses en bas qu’en haut, et d’un volume extraordinaire. Un si funeste
symptôme, assez rare chez ies femmes, est souvent déterminé par la
fatigue que ie malade éprouve, soit en se livrant à ses travaux accoutumés,
soit en entreprenant de longues routes. Un homme ayant les
jambes dans i’état le plus affreux, parcourut un jour six lieues à pied,
par un chemin très-difficile, et sous ie poids d’une charge énorme, pour
venir chercher du soulagement; ii est vrai qu’il ne souffroit pas beaucoup.
L’absence de douleur, qui tient peut-être à l’uniformité d’une forte chaleur,
est un des caractères de la maladie qui nous occupe.
» Quoique moins répandu que l’iclithyose, le pian, terrible variété de
la lèpre, compte cependant de nombreuses victimes, dont ia plupart,
condamnées à finir leurs jours avant le terme fixé par la nature, voient
ieur santé minée peu à peu. En mettant à cinquante le nombre des
personnes qui, dans la ville d’Agagna , se sont présentées à moi avec des
ulcères incurables, je ne crains pas le reproche d’exagération. Un jeune
homme qui droit sur sa fin, étoit entre autres dans un état d’émaciation
extrême : deux plaies énormes occupoient les articulations du genou ,
du coude et du poignet droit; la main étoit fléchie, et les surfaces articulaires
comme soudées entre elles. Quand on a été témoin de ces
effrayans ravages, on ne peut se défendre d’un sentiment pénible en
voyant des jeunes gens grands, bien faits et robustes, atteints de petits
uicères qu’ils ne jugent même pas dignes de leur attention : en vain ies
avertit-on que ce mai léger est le même que ceiui qui, ayant acquis tout
son déveioppement, les fait frémir à l’aspect de leurs semblables qui en
sont atteints; dominés par leur nonchalance, iis attendent, dans une
Voyage de l’Uranie, — Historique. T . II. q q
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