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Ile s Mariannes. Quoi qu’il en soit, les moeurs des mangatchangs étoient bien loin de
D e l’ homme mériter un éloge aussi flatteur; on pourroit même dire qu’elles formoient
en socie e. contraste tranchant : menteurs effrontés , lâches, inhospitaliers et
sans fo i, souvent ils encouroient le blâme de transgresser les lois de leur
pays, que les nobles, au contraire, mettoient un soin si religieux à
observer personnellement et à faire respecter.
On a cité (i) l’horreur qu’avoient ces derniers pour l’homicide et le
larcin, leurs dispositions bienveillantes envers tous les hommes; mais ces
bonnes qualités étoient ternies par une vanité incroyable et par un orgueil
qui rappelle ceiui de ia noblesse japonaise ; on conçoit bien, d’après
ceia, pourquoi ie bas peuple étoit tenu dans l’avilissement.
Les habitans de la partie septentrionale de Goam passoient pour être
beaucoup plus farouches et plus indociles que ceux de la côte du Sud. Il
est difficile de dire la raison de cette différence, mais ii paroîtra singulier
qu’une observation analogue ait été faite dans l’île Timor (2).
Habiles à dissimuler leurs desseins pendant la guerre, ils comptoient
aussi ia vengeance au nombre de ieurs passions favorites. « Quand on
leur a fait une injure, iis n’en marquent pas leur ressentiment par des
éclats ou par des paroles ; rien ne paroît au-dehors : mais iis en renferment
dans leur coeur toute l’aigreur et toute l’amertume. Ils sont si maîtres
de leurs passions, qu’ils passent deux et trois ans sans laisser rien échapper
qui puisse la faire connoître, jusqu’à ce qu’ils aient trouvé une occasion
favorable de se satisfaire. Aiors ils se dédommagent de la violence qu’iis
se sont faite, et se livrent à tout ce que la trahison ia plus noire et la
vengeance la plus outrée ont de plus affreux.
» Leur inconstance et leur légèreté sont incroyables. Comme ils ne se
gênent en rien, et qu’iis se livrent aveuglément à leur caprice et à leurs
passions, ils passent aisément d’une extrémité à l’autre. Ce qu’ils souhaitent
avec le plus d’ardeur, ils ne ie veulent plus un moment après ( 3 ). ”
» tous ses engagemens, fo rm è ren t, dans le moyen â g e , le caractère d istinctif d’un gentilhomme,
» parce que la chevalerie étoit regardée comme l’école de l’h onneur, et qu’ elle exigeoit à cet
» égard la plus grande délicatesse. » ( R o be rtson , H is t . o f Charles the f ifth , introd. )
( i ) L e G o b ien , H is to ire des M ariannes.
{ 2 ) ci-dessus, t. I , page 6 32 .
{ 3 ) L e G o b ie n , op, cit.
if
1 ■.
Humains après la victoire, ponctuels sur-tout à tenir ieur paroie, ils
avoient coutume de n’exiger d’un prisonnier fait à la guerre quun simple
engagement verbal de ne point s’enfuir : ceiui qui en pareil cas eut faussé
la foi donnée, auroit été mis à mort par sa propre famille, quun tel
acte de déloyauté couvroit d’une honte intolérable.
Quand un ancien disoit à un de ses compatriotes, ou meme à un
étranger , Je veux que nous soyons amis, c’étoit entre eux un contrat sacré.
Mais s’il arrivoit que ce dernier vînt à agir contre ies intérêts de son
ami, ia famille toute entière de celui-ci devenoit aiors ennemie de la
personne qui avoit manqué de foi. Or, les torts imputés pouvoient être
réels ou imaginaires, et c’est en examinant la chose sous ce point de vue
qu’on parvient à s’expliquer ies altercations des Mariannais avec les
premiers missionnaires. Par d’horribles calomnies , le Chinois Choco-
Sangley rendit d’abord ces courageux ecclésiastiques suspects à un grand
nombre d’habitans (i); d’un autre côté, les efforts des Espagnols pour
extirper le libertinage et changer certains usages , finirent par exciter
contre eux l’indignation des gens mêmes qui d’abord les avoient le mieux
accueillis.
A des dispositions intellectuelles fort heureuses, les anciens insulaires
joignoient de la docilité à s’instruire et une grande aptitude tant aux
professions manuelles qu’à l’étude des lettres et des beaux-arts-.
Peu de mots suffiront pour peindre les modernes : esprits plus paresseux
qu’actifs, gens simples, hospitaliers et généreux, en général fort soumis
à ieurs chefs.
Moeurs. — Les liens de famille étoient et sont encore extrêmement
resserrés aux Mariannes; nulle part les parens ne montrent une affection
pius tendre pour leurs enfans, ne s’occupent avec plus d’ardeur de ce
qui peut leur être agéable ou utile.
Jadis, quoiqu’il fût loisible à un homme d’entretenir piusieurs concubines,
toutes tirées de la caste à laquelle lui-même appartenoit, ii ne
devoit avoir qu’une femme légitime (2). Il étoit sévèrement interdit aux
( I ) Voyez plus h a u t , p. 1 72.
( 2 ) L e Gob ien [oj>. c h .) a v an c e 'q u e la polygamie étoit permise aux Mariannes, mais il
convient en même temps que la coutume vouloit que l’on n’ eût qu’une femme.
D e l’homme
en société.