
lie s Mariannes. Depiiis long - temps il avolt pressenti que la présence des Espagnols
Histoire. finiroit inévitabiement par ruiner son crédit et celui de la noblesse,
16 7 0 (suite), cette crainte lui avoit fait prendre la résolution de les expulser du
pays. Jusqu’alors, néanmoins, ii s’étoit. toujours conduit politiquement
envers les missionnaires, parce qu’il ne se sentoit pas assez fort; mais
au fond du coeur il étoit leur ennemi juré. En vain le P. Sanvitores,
pour se le concilier et l’affectionner au christianisme, lui avoit rendu
des services, et s’étoit étudié à le combler des présens qui pouvoient lui
plaire davantage, Horao n’en étoit devenu que plus fier et plus insoient.
Le pieux supérieur de la mission mettoit en oeuvre tous les moyens
praticabies pour répandre la religion dans l’île , et en faciliter l’intelligence
à i’esprit des habitans. Quatre paroisses nouvelles furent établies,
à chacune desquelles on affecta quarante villages et une église placée
au chef-iieu : Mérizo, Paikpok (i ) , Pago et Nigsihan en devinrent
les centres, et c’est dans ce dernier iieu que le P. Sanvitores s’établit
lui-même, dans l’espoir d’exercer de ià une surveiiiance plus active.
Cet accroissement donné aux étabiissemens religieux des Espagnols avoit
été encouragé par une augmentation de leurs forces : ie gouvernement
de ia mère-patrie avoit compris en effet qu’il importoit de protéger ia
mission des Mariannes contre les insultes et les agressions des indigènes ;
en conséquence, un galion ( e/ Buen Socorro), parti d’AcapuIco avec
un nombre suffisant de soldats et quatre nouveaux missionnaires, arriva
1 6 7 1 . a G o a m ie 9 juin 1 67 I .
Cependant Horao, de plus en pius alarmé du progrès des Européens,
ne cherchoit qu’une occasion favorable pour porter à une rupture éclatante
des gens déjà préparés à la révolte ; eiie ne tarda pas à se présenter.
Un jeune Espagnol, travaillant à couper du bois, fut tué par un Mariannais,
qui s’empara de sa dépouille (2). Le capitaine D. Juan de Santiago,
premier gouverneur delà nouvelle colonie, résolut de rechercher
( 1 ) C e nom, faute d’espa ce , n’a pas été marqué sur la carte. C e v illage se trouvoit sur la
côte orientale de G o am , à l’embouchure d’une petite rivière très-voisine , et dans l’E st de
T a ro fo fo . ( Voy. ci-après le S Géographie de notre chapitre XXVI.)
( 2 ) L e G o b ien rapporte cet événement à l’année 16 7 0 ; les documens que j ai entre les
mains ne me permettent pas de me ranger à son avis. C e tte rectification de date n est pas la
seu le , au reste, que je me sois permise ; je crois suffisant d’en prévenir ici une lois pour toutes
1 auteur inconnu de cet attentat : en conséquence, quelques habitans Ile s Mariannes.
d’Agagna sur lesquels on avoit des soupçons, furent arrêtes, mis en
prison et interrogés; néanmoins comme on ne put trouver de preuves
contre eux, on les déclara innocens, et on leur rendit la liberté. Cette
procédure fut généralement regardée comme un affront fait à la population
indigène toute entière. Horao, qui déjà s etoit reuni a Choco pour
perdre les Espagnols, profitait du mécontentement général pour aigi’ir
sourdement les esprits, quand un des Mariannais les plus considérables,
Goafak, voulant empêcher l’arrestation d’un de ses amis soupçonné
de i’assassinat dont il vient d’être question, fut tué dans le tumulte
que cette tentative occasionna. Ce fut le signal de la guerre, pour laquelle
Horao se déclara ouvertement, en exhortant ses compatriotes à se
réunir à iui pour chasser ces hôtes impérieux. Ceux-ci ne possédoient
encore ni retranchemens , ni forteresses qui pussent les protéger contre
une teile attaque; aussi se trouvèrent-ils très-embarrassés quand ils virent
une armée nombreuse prête à fondre sur eux : sans doute ils n eussent
pu résister à cette muititude, si l’attaque eût eu lieu tout de suite; mais
il y eut de l’hésitation, et D. Juan en profita pour s’entourer à la hâte
d’une palissade flanquée de tours, et suffisante pour mettre ses gens à
l’abri. N’ayant au reste que trente-un soldats, il jugea qu’il pourroit suppléer
au petit nombre de ses troupes par ieur courage et par sa confiance
dans ia puissance divine. Il étoit important de se saisir de ia personne
d’Horao : l’entreprise étoit hardie et difficile; maïs on eut ie bonheur d en
venir à bout. Sa famille en fut consternée, et vint avec instance prier le
gouverneur de lui rendre la liberté : touché de tant de larmes, et désolé
de voir son troupeau exposé aux fureurs de ia guerre, le P. Sanvitores
fit connoître qu’on souscriroit à ces demandes, à condition que les insurgés
se sépareroient sur-le-champ. Ceux-ci reçurent avec mépris des
propositions qu’ils prenoient pour des signes de crainte et de foiblesse, et
insultèrent, par des chants satiriques, à ce qu’ils considéroient comme de
la lâcheté chez ies Espagnols. En vain le P. Sanvitores renouvela-l-il ses
efforts pour ramener les insulaires à des sentimens pacifiques, tout fut
inutile; et ayant été assailli par des coups de pierre, il fut obligé de se
retirer.
Voyage de l ’ Uranie. — Historique. T. 11. Z
Histoire.
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