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Histoire.
vingt-neuf personnes tant hommes que femmes quelles contenoient, sur
l’île Samar, l’une des Philippines. Ces pauvres gens s’étant embarqués,
au nombre de trente-cinq, pour se rendre sur une île voisine, avoient été-
jetés en pleine mer par ttn ouragan : d’abord ils luttèrent, pendant soixante-
dix jours, contre le mauvais temps, espérant toujours pouvoir accoster
quelqu’une des îles qui ieur étoient connues ; mais ce fut en vain. Tourmentés
par une effroyable disette, ils furent forcés de s’abandonner à la
fureur des vents, qui les conduisirent enfin aux Philippines, où on les
traita avec humanité. Deux femmes, qui autrefois avoient été jetées de
la même manière sur cette côte, servirent d’interprètes, et l’une d’eiies
trouva parmi ces étrangers quelqu’un de ses parens : cinq personnes
étoient mortes pendant le voyage ; une sixième mourut à leur arrivée.
On obtint des autres quelques détails intéressans sur leur pays natal.
L’existence des Paiaos avoit été démontrée, plusieurs années auparavant,
d’abord par des fumées qu’on avoit aperçues dans l’Est de Samar, mais
plus positivement par l’arrivée de diverses pirogues de ces îles, que ie
mauvais temps avoit forcées à chercher un abri sur l’île Mindanao.
Dans le cours de cette année, ie pilote Juan Rodriguez échoua sur ie
banc de Santa-Rosa, et vit de là l’île Farroïlep, découverte par Lascano,
ainsi que les deux petites îies qui i’avoisinent.
Les coioiis mariannais ne furent pas heureux dans l’expédition, qu’ils
envoyèrent, vers la même époque, à la recherche et à ia conquête des
îies dont on venoit récemment de constater l’existence; car iis ne purent
pas retrouver \?LCarolina, ou Farroïlep, l’une d’elles, quoique sa position
eût été déjà bien constatée.
Cependant ies récits des naturels jetés, i’année précédente, sur l’île
Samar, avoient tout-à-fait éveillé le zèiedes Espagnols : un nouvel armement
fut préparé, presque entièrement aux frais de quelques particuliers;
mais le vaisseau, forcé de dérader-pendant l’absence du capitaine, fut
emporté en pleine mer, sans que jamais depuis ( i Ô97) on ait pu connoître
son sort. Le P. Clain, jésuite , fit part de cet événement au général de sa
société, comme aussi des renseignemens qu’il avoit obtenus des vingt-
neuf insulaires des îles Lamoursek. Dans la persuasion où l’on étoit
qu’on parviendroit à en faire la conquête, l’échec qui venoit d’avoir lieu
ne parut qu’un retard dans l’exécution. Plein de cette idée, les PP. Clain
et André Serrano furent députés auprès du pape pour lui présenter la
carte de ces îles , dressée par i’un d’eux, d’après ies indications mêmes
des Indiens, et l’intéresser en faveur de ce nouveau domaine offert au
christianisme. Clément X I approuva le projet d’établissement d’une mission
sur ce point, et engagea le roi d’Espagne à fournir aux missionnaires
les vaisseaux nécessaires à cette entreprise ; les archevêques de Manille
et du Mexique eurent ordre de concourir de tout ieur pouvoir à cette
oeuvre difficile et périlleuse, et Louis X IV lui-même écrivit à Madrid
pour en faire hâter l’accomplissement.
En conséquence de ces dispositions, une galîote quitta les Philippines,
en 1708, emportant trois religieux missionnaires et vingt-cinq soldats.
Mais leurs efforts furent sinon aussi désastreux, du moins aussi inutiles
que ceux de leurs prédécesseurs; puisque, après une longue navigation où
l’on ne put rien découvrir, on fut obligé, manquant d’eau et de vivres,
de retourner à Manille.
Un chef carolinois, parti de l’île Feis (1 ), venoit d’être obligé, par
la force des vents, d’aborder à Palapag (2) avec sa femme et ses enfans :
Moak étoit son nom. Croyant avoir en eux des guides sûrs, le gouverneur
espagnol Zabalburis fit préparer un nouveau bâtiment pour continuer
les recherches; malheureusement d’horribles tempêtes et un ciel nébuleux
empêchèrent encore d’apercevoir ce que l’on cherchoit, en sorte qu’il
fallut, en septembre, revenir à Palapag, d’où i’on étoit parti le i j u i n .
Loin d’être découragé par tant d’obstacles et de travaux infructueux,
un nouveau gouverneur, le comte de Lizarra, équipa deux navires , dans
la vue de leur donner la même destination ; mais, par une sorte de fatalité
attachée à l’entreprise, l’un échoua près de Palapag, et se perdit.
D. Francisco Padilla, commandant de l’autre vaisseau, partit seul, en
conséquence, le i4 novembre 1 7 1 0 , emmenant avec lui quatre-vingt-
six personnes, parmi lesquelles étoit Moak avec sa famille, ainsi que les
religieux Duberron, Corlil et Baudin. Le 30 , il arriva devant deux îles
qu’on appela Sant-Andres, mais que les naturels nomment Soronsol et
( I ) Ile située dans TEst des îles Égoy .
( 2 ) Port de Tîle Samar.