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Iles Mariannes, dans Une prompte fuite vers les montagnes. Tout ce qui étoit dans la
Histoire.
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plaine, arbres, villages, églises, la forteresse même d’Agagna, rien ne
put résister à la tourmente ou à l’inondation; beaucoup de personnes,
de la capitale sur-tout et du bourg d’ômata, périrent dans ce commun
désastre. Aussi le lendemain, quand le jour permit de voir les violens
déchiremens que i’île avoit subis , la désoiation fut générale; pas une
maison n’étoit restée debout, et l’on n’apercevoit plus aucune trace de
ciiiture. Ce qui doit le plus surprendre, c’est que ies îies voisines ne
furent presque pas endommagées : la violence de l’ouragan s’étoit
concentrée principalement sur Goam.
Toutes ies haines se turent devant une si funeste calamité, dont les
insulaires et les Espagnols s’empressèrent de concert à faire disparoître les
traces. Tandis que les uns ensemençoient de nouveau les champs, re-
construisoient ies maisons, les riches se dispiitoient l’honneur de réédifier
les églises. Ayihi se chargea de celle d’Agagna, Alonso Soon en fit
autant à Agat, P-hogon à Fogna, Djao à Pago; enfin le gouverneur
réserva pour sa tâche particulière les églises de Mérizo et d’®mata, Ce
fut même dans cette dernière place qu’il crut devoir établir alors ie siège
de son gouvernement, et celui de la garnison, qui, jusqu’à cette époque,
avoit été fixé à Agagna. Ce changement ne fut malheureusement pas favorable
à D. Damian; sa santé, déjà affoiblie, s’altéra de plus en pius, et
il succomba enfin à une cruelle hydropisie, le 16 août i6 p 4 , laissant
D. Quiroga à la tête du gouvernement.
On avoit besoin d’un homme de ce caractère pour ramener l’ordre et
la prospérité dans la colonie. En faisant revenir les troupes à Agagna,
ii satisfit aux désirs des soldats, et fit renaître , par sa fermeté et sa justice,
une discipline depuis trop long-temps relâchée.
Le plus cher désir de ce célèbre gouverneur étoit de voir le christianisme
solidement établi dans i’archipel des Mariannes. Ayant donc tout
préparé pour un voyage à l’île Rota, il s’y rendit dans les premiers jours
du mois d’octobre. Les insulaires , dont il étoit fort aimé , ie reçurent à
bras ouverts, et furent les premiers à présenter ieurs enfans, au nombre
de cent cinquante, pour qu’on leur administrât ie baptême. Satisfait d’une
expédition si heureuse, Quiroga revint à Agagna, où il fit, pendant
1694.
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Histoire.
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LIVRE III. — De T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 209
l’hiver, toutes ies dispositions nécessaires à la conquête des îles qu’ii Ile s M a rianne s
n’avoit pu encore soumettre, et sur lesquelles s’étoient retirés les principaux
rebelles.
Ce fut le I I juillet de l’année suivante qu’il se mit en mer, avec une
frégate et vingt pirogues suffisamment équipées de marins et de soldats.
A son arrivée, ies Saypanois s’avancèrent pour i’empêcher de débarquer;
mais quelques décharges de mousqueterie les ayant promptement mis en
fuite , ies Espagnols s’avancèrent sans obstacle jusqu’au centre de l’île , et
ne tardèrent pas à en soumettre entièrement les habitans. Je ne viens point
pour vous faire la guerre, leur dit Quiroga, mais pour vous demander d’écouter
les prédicateurs de l’évangile, et d’être dociles à leurs instructions. Iis iui
promirent ce qu’ii vouiut.
Tout étant réglé de ce côté, Quiroga, avec son escadrille , se rendit
à Tinian , où à peine trouva-t-il quelques individus, les naturels s’étant
retirés sur ia petite îie Agffligan. Cette île , haute et escarpée, située au Sud-
Ouest de ia première , dont eiie n’est séparée que par un espace d’une
lieue et demie (pl. 59 ), s’élève au milieu de la mer comme un rempart;
au premier aspect on la croiroit inaccessible, et eiie le seroit en effet, s’il ne
s’y trouvoit deux ravines, praticables à la rigueur, mais d’un accès fort
épineux. C ’est ià que ies Tinianais, décidés à se défendre jusqu’à ia mort,
s’étoient fortifiés. Ni menaces ni promesses ne purent les amener à soumission;
Quiroga se vit donc obligé de tenter, pour les y réduire, les
moyens de contrainte dont ii disposoit, entreprise non moins téméraire
que difficile. Il divise en conséquence ses forces en deux corps , qui
d’abord s’avancent chacun vers une des ravines ; voyant ensuite que
celle de l’Est étoit trop rude à gravir, il dirige une attaque générale
de i’autre côté. Là, il anime les troupes par son exemple, et ordonne
i’assaut, qui commence aussitôt avec intrépidité. Cependant les insulaires
font nieuvoir une énorme quantité de pierres et de quartiers de roche sur
les assaillans , qui, pour ne pas être ensevelis sous ieur masse, prennent
le parti de se replier vers une pointe voisine. Cette inaction ne pouvant
convenir au courage bouillant du sergent Juan Ferrez Velio et du
capitaine Pabio de ia Cruz, ils s’avancent pour escalader les rochers,
et s’y cramponnent avec ies mains, sans caiculer ie péril auquel ils
Voyage de l’Uranie. — Historique. T . II. D d