
Iles Mariannes.
Diversité
des races.
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7 6 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
S. V.
D e l'homme considéré comme individit.
Nous ne chercherons pas à déterminer ici quel est le pays d’où la
population des Mariannes a tiré sa première origine ; cette question, qui
n’est pas indigne de devenir l’objet d’un examen sérieux, a besoin encore
d’être plus amplement approfondie. Il importe, avant tout, de constater
si, commeTertains écrivains l’ont avancé (i), il existe dans les traits de
la figure, la couleur de la peau et le langage même des Mariannais,
une analogie remarquable avec ce qu’on voit chez les Tagaies et les
Bisayas, peuples des Philippines ; s’il est probable qu’à une époque reculée,
les Japonnais aient fréquenté les Mariannes, et si la ressemblance
qu’on dit avoir observée entre.la noblesse des deux pays, également
fière et hautaine, est due à ces communications passagères. Notre
tâche doit se borner à réunir des faits exacts qui puissent fournir à i’an-
thropographie des matériaux utiles.
Il ne paroît pas que la population mariannaise se soit elle- même
jamais désignée sous un nom collectif. Celui de Chamarre, de Chamor-
rin ou de Chamorris, qu’on donne quelquefois aux habitans de cet archipel,
n’a jamais existé dans leur langue. Voici comment D. Luis de
Torrès m’en a expliqué l’origine.
Lorsque Magellan s’approcha pour la première fois de ces îles, quantité
de pirogues se dirigèrent vers son vaisseau; les chefs, à l’instant
d’aborder, s’écrièrent, Tcha-mo olin ! c’est-à-dire, Ne te sers plus du gouvernail,
phrase relative à la manoeuvre de leurs barques. Ces mots,
réunis par la prononciation, et articulés cham&lin, tchamorin (2), furent
pris pour le nom de leur nation; et une formule de commandement,
mal entendue, peut-être aussi mal écrite, devint, par corruption, d’abord
( 1 ) Le Gobien, Hist, des iles Mariannes; MmüIo Velarde, Hist. de la-provincia de F ili-
pinas, &c,
(2) Voyei plus haut les remarques que j’ai faites sur 0 et a , / et r , page 260 de ce volume.
il
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 2 7 7
chamorrin et chamorris, comme l’emploie le P. le Gobien, puis chamorro, Iles Mariannes.
comme disent les Espagnols, et enfin chamorre, qui n’est que le même
mot francisé.
Mais ne vaudroit-il pas mieux supposer que ce nom de chamorro, vieux
mot espagnol qui signifie tondu, ait été donné aux Mariannais par les
compagnons de Magellan, parce qu’en effet l’usage de se tondre la tête de
diverses façons est chez eux très-répandu (i)l Ce seroit assez mon avis;
cependant le nom de Mariannais, appliqué aussi à ce peuple, étant à-Ia-
fois plus régulier et plus raisonnable, nous en ferons exclusivement usage.
La race aborigène est loin de former aujourd’hui la majorité delà population
de ces îles; elle n’en est pas même tout-à-fait la moitié. Le reste se
compose de colons d’origine espagnole, de métis (2), de Philippinois et de
leurs descendans; enfin d’un petit nombre de mulâtres (3), de Carolinois
et de Sandwichiens. Dans ce qui va suivre, nous nous occuperons principalement
de la population originaire.
Jadis les Mariannais de la classe noble étoient généralement d’une
taille gigantesque, d’une grosse corpulence, et d’une force bien supérieure
à celle des Européens; les hommes de ia basse classe avoient des formes
moins athlétiques. Maintenant i’espèce dégénère à Goam ; elle se conserve
mieux à Rota, où, de nos jours, on trouve encore le véritable type
des formes anciennes (4 ). L’embonpoint souvent excessif des individus
ne naisoit ni à l’élégance de leurs formes, ni à la souplesse de leurs
mouvemens. Nageurs infatigables et plongeurs habiles, ils conservent
encore ces qualités, comme celle de faire à terre rapidement de longues
courses avec un lourd fardeau sur les épaules. Néanmoins, la nonchalance
et la paresse ont toujours été le fond du caractère des habitans , au
point de leur hiire souvent négliger leurs intérêts personnels.
Dans les moeurs anciennes, un jeune homme qui cherchoit à se
( I ) Voyez pl. 61 et 62. Le même usage est pratiqué aux Sandwich, ainsi qu’on peut s’en
convaincre sur nos planches 83 et 89.-
(2) On appelle ici métis les enfans nés du croisement d’un Européen avec une femme
mariannaise ou de couleur basanée.
(3) Les mulâtres proviennent de l’union d’un blanc avec une négresse.
(4) Dans tous les temps, la taille et la beauté des habitans de l’île Rota ont été remarquées.
Qualités
physiques.