
1819. il vouloit illustrer sa carrière et se rendre digne des objets de son affection.
J a n v ie i. Victime du climat de Timor, peut-être ne prit-il pas toutes les précau-
D e R aw a k ^ ^ ^ ‘ \ .
aux Marianne s. tions qui eussent pu prévenir sa maladie ou en accelerer la guenson.
Depuis iong-temps il avoit lui-même jugé son état et fait ie sacrifice de
sa vie : mais son coeur se brisoit, lorscju’il pensoit à sa famille.; il en
parloit souvent, ou plutôt il en parloit toujours; et je ne puis m’empêcher
de croire que la mélancolie, suite de ces continuels regrets, n’ait mis
obstacle à son rétablissement. Il vit approcher sa dernière heure avec
calme ; e t , dans une conversation que j’eus avec lui trois jours avant sa
mort, ses seules plaintes furent de n’avoir pu réussir à être utile, autant
qu’il en avoit eu le désir, à l’expédition dont il faisoit partie, et à des
parens adorés.
Comment ne pas associer aux larmes données à un aussi brave officier
la compassion et l’intérêt que m’inspire le sort de sa respectable mère !
M. Blondela, frère de cette dame, étoit un compagnon distingué de la Pé-
rouse , dont il partagea i’infortune ; eiie perdit son mari, chirurgien-major
de la frégate la Vénus, qui, pendant un ouragan, sombra sous voiles près
de i’Ile-de-France; son gendre, officier d’artillerie, mourut également
au service ; et son fils unique a expiré sous mes yeux. Quelle famille de
marins a été frappée de pius de malheurs ?
La sépulture de notre infortuné camarade eut lieu le lendemain; l’état-
major et l’équipage lui rendirent les derniers devoirs ; la tristesse étoit
générale, et ia douleur dans tous les coeurs : après ies prières d’usage,
son corps fut abandonné aux flots... Son souvenir seul demeura parmi
nous; il nous sera toujours cher.
Mais ce n’étoit là que le commencement de nos maux; et bientôt nous
nous aperçûmes combien étoit mal fondée i’opinion que nous avions eue,
qu’en quittant Rawak aucun de nous n’avoit contracté de maladie dans ces
lieux insalubres. Le troisième jour après notre départ, la fièvre se déclara,
d’abord sur cinq, puis successivement sur trente individus, parmi lesquels
on comptoit quatre élèves de marine. A mesure que les premiers affectés
guérissoient, d’autres prenoient leur place; en sorte qu’on peut affirmer que
quarante personnes furent atteintes de cette maladie.M. Quoy en a, ainsi
qu’il suit, décrit les symptômes et les ravages.
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 6y
« Cette fièvre paludeiise s’annonçoit par une turgescence du système
sanguin , simulant un caractère inflammatoire , qui, si i’on s en fut trop Ka^vak
préoccupé, eût pu induire à des erreurs de traitement: la face étoit aux Mariannes,
rouge , le pouls développé. Chez quelques-uns il y avoit céphalalgie avec
anxiété, ou bien, aux articulations et dans les lombes , des douleurs vives
qui, à l’approche des accès, devenoient parfois intolerables. Dans deux
personnes elles se portèrent sur ia poitrine, et y causèrent des oppressions
au point de nécessiter l’empioi delà saignée, seul cas ou elle fut pratiquée.
» Après le troisième ou le quatrième jour, tous les signes d inflammation
et de phiogose disparurent, pour faire place à une foiblesse et à une
débilité extrêmes; ia physionomie , de colorée qu’eile étoit, devint pâle
comme dans les fièvres intermittentes simples.
» Celle-ci fut rémittente, avec le type tierce , et c’est sous cette forme
qu’elie présenta un caractère plus ou moins pernicieux. Un petit nombre
de malades eurent des accès de double tierce intermittente ; elle ne fut
tierce simple que chez un seul. Après l’administration du quinquina,
qui en fit disparoître la malignité, elle prit une marche régulière, et
persista avec ie type tierce des intermittentes simples ; c’est ce qui m’a
déterminé à lui donner cette dénomination.
» A l’invasion aussi brusque de cette maladie, nous ne pûmes mé-
connoître l’action morbifère du soi que nous venions de quitter ; et notre
certitude fut complète, lorsque nous vîmes qu’il n’y avoit que ceux qui
avoient passé la nuit ou une partie des nuits à terre qui fussent indisposés.
Chez quelques-uns, i’intensité des symptômes fut en rapport avec la
durée de ce temps. Tous ceux-là , ou presque tous (car il n’y eut que deux
ou trois personnes qui , exposées comme les autres, conservèrent la santé),
contractèrent le germe fébrile qui se développa, comme nous venons de
le voir, peu de jours après notre sortie.
» Habitué à de semblabies affections sous ie climat de Rochefort, qui
approche de celui-ci, je tins peu compte, dans le traitement, du caractère
inflammatoire qui se manifesta d’abord, et j’administrai le quinquina
de suite, sans aucune préparation. La moitié des malades furent
guéris dans quelques jours; la fièvre cessa même chez les autres; et à
l’exception de quelques hommes plus âgés , qui avoient beaucoup de peine