
i8ig.
A v r il.
H
Iles-Mariannes. qui fut exécuté avec une extrême rapidité; en sorte que ie 3 avril, de
grand matin, j’eus la satisfaction de voir qu’aucun de mes hommes n’avoit
souffert du petit contre-temps qn’il nous avoit été impossible de prévoir.
Aussitôt on ies plaça dans l’hôpitai du quartier, lieu très-propre, bien
disposé, et auquel il ne manque peut-être que d’être un peu pius aéré.
Les personnes de l’état-major eurent pour demeure une grande maison
assez élégante, où réside le gouverneur des Mariannes, lorsque, son successeur
étant arrivé, il ne peut sur-le-champ repartir pour Manille. Quant
à moi, D. Médinilia ne voulut pas permettre que j’occupasse un autre
logement que celui qu’il daigna m’offrir dans son palais; M. de Quéien
y eut aussi ie sien, ainsi que MM. Lamarche et Duperrey, toutes les fois
que ces derniers purent se trouver à la ville.
Ce fut encore ià que je fis établir l’observatoire, qui se trouva réunir
toutes les convenances, l’isolement et la tranquillité désirables. On commença
par régler les chronomètres ; les expériences d’inclinaison succédèrent
, puis celles du pendule et du magnétisme terrestre. Une échelle
des marées fut dressée encore au fort Santa-Cruz, près de notre mouillage;
enfin, M. Duperrey, dans plusieurs courses successives, compléta
la géographie du littoral de Goam.
Pendant que nous nous occupions de ces observations scientifiques,
que l’histoire naturelie s’enrichissoit des recherches de nos infatigables
médecins, que nos porte-feuiiies se remplissoient de dessins précieux, et
nos journaux de notes curieuses, on continuoit à bord les réparations du
vaisseau, dont M. Requin, notre commis aux revues, surveilloit l’approvisionnement
avec son activité et son attention accoutumées.
Bientôt les solennités de la semaine sainte vinrent apporter quelque
ralentissement à nos travaux : elies furent célébrées avec toute la pompe
et ie recueillement que peut manifester un peuple religieux. D. Ciriaco
del Espiritu-Santo, curé d’Agagna, officia avec autant de dignité que
d’onction. Les processions furent suivies par M. le gouverneur, i’état-
major de l’Uranie et moi, et par une population nombreuse. A la messe
du Jeudi-Saint, M. de Médinilia voulut absolument m’accorder l’honneur
qui lui appartient de droit, de porter en sautoir, après l’office du matin, la
clef du tabernacle, et de tenir le Christ à la procession du soir. M. l’abbé
de Quéien, souffrant et marchant à peine, ne put assister à ces céré- lie s Mariannes,
1819,
monies; mais il ne voulut pas s’exempter du devoir de prendre part à
A v r il.
celles du jour de Pâques; il y parut, revêtu de son costume de chanoine
du chapitre royal de Saint-Denis : ia procession, qu’il accompagna la
tête nue à l’ardeur du soleil, le fatigua beaucoup.
L’après-dîner nous fûmes témoins d’un combat de coqs, spectacle que
les habitans se donnent ici les dimanches et les jours de fête; li dura
depuis cinq heures jusqu’à Xangehis. C ’est une chose révoltante que la
manière dont on dresse ces pauvres animaux à se battre. Ne les trouvant
pas munis par la nature d’armes assez meurtrières, on leur lie aux
pattes, en guise d’éperons, de petites lames fort acérées. Avant de ies
mettre’ aux prises, on les présente face à face, en les tenant par ie milieu
du corps, et ies forçant à se donner quelques coups de bec, ce qui les
irrite et les dispose à l’action : alors, abandonnés à eux-mêmes, ils
courent l’un contre l’autre, les plumes hérissées; le combat s’engage, et
bientôt il se termine par la mort de l’un des adversaires, et souvent de
tous les deux.
With wrath his ruffled plumes he rears ,
The foe with ruffled plumes appears ;
T h r e a t a n sw e r ’d th r e a t , h is f u r y g r e w ,
Headlong to meet the war he flew ( i ).
Gay’s Fahks.
Le principal intérêt de ce jeu tire sa source des paris qu’on fait pour ou
contre les combattans ; pour moi, ce spectacle ne m’inspira que du dégoût.
Heureusement nous en eûmes ie soir un plus agréable clans la représentation
des danses qui étoient jadis en usage au Mexique, et dont
toutes les figures font, dit-on, allusion à i histoire de cette contrée. Les
acteurs étoient des écoliers du collège d’Agagna; ieurs costumes en soie,
richement décorés, furent apportés de la Nouvelle-Espagne par les J é suites,
et sont précieusement conservés. Ces danses, qui offrent quelque
« Ses plumes se dressent et se hérissent; k s plumes de son ennemi se dressent et se hérissent
„ de même : la menace répond à la menace. S a fureur est au comble ; il se précipite au combat
„ tête baissée et se rue sur son adversaire. »