
A n d e n
gouvernement.
Heureusement on cite peu d’exemples des effets d’une politique aussi
atroce. La tradition consacre même le souvenir d’un bâtiment monté
par des Espagnols, qui, avant la conquête des Mariannes, fit naufrage
devant ©mata, et dont l’équipage, accueilli cordialement par les indigènes,
reçut d’eux en outre une pirogue pour se rendre aux Philippines.
II est vrai que la conduite antécédente des navigateurs de cette nation européenne
leur avoit concilié l’amitié de la population mariannaise.
Lois relatives à la pêche, — On assignoit à chaque pêcheur d’atcha-
mans, avons-nous dit, une étendue de mer dont il lui étoit défendu
de s’écarter, et dont ies limites étoient fixées par des alignemens pris à
terre; mais, malgré ces sages précautions, l’homme de mauvaise foi
trouvoit moyen de frauder les droits de ses voisins. En traversant plusieurs
cantons de pêche, il saisissoit ie moment favorable pour jeter à
ia dérobée son pdia ( i ) à la mer; attirés par cet appât, ies poissons
suivoient en foule la pirogue; et en arrivant à sa propre place, il pouvoit
en faire une ampie capture, au grand détriment de ses camarades,
dont ii diminuoit par ce manège ies chances de succès. Mais aussi, malheur
à lui s’il se laissoit prendre sur le fait ! ia mort étoit le prix de sa
coupable ruse. Cette punition, au reste, paroît d’autant plus sévère,
que le maraudeur de poisson dans le canton d’autrui n’encouroit que
celle du bannissement.
Pendant la pêche du magnakak, si celui pour le compte duquel elle
se faisoit demandoit l’assistance de ses parens, ils ne pouvoient la lui
refuser. On raconte qu’un homme qui, par oubli, n’avoit pas été invité
à un mariage où il devoit assister comme parent, attendit i’instant de
ia cérémonie pour aller jeter ses filets, et somma le futur, sa prétendue
et tous les gens de la noce, de venir à l’instant mettre ia main à i’oeuvre
et i’aider dans son travail. Iis s’y rendirent en effet, et cette plaisante
malice ne provoqua que de grands éclats de rire.
Le pêcheur qui réclame les services d’une ou de plusieurs personnes,
leur doit, à titre de salaire, une portion de sa pêche; si le filet ne
lui appartient pas, la moitié du poisson capturé revient de droit au maître
( I ) Voyez ci-dessusj page 436.
Ancien
gouvernement.
T rib u n au x .
L IV R E IIL — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 485
de cet instrument. Ces réglemens continuent d’être en vigueur parmi les ‘ k s Marianne.«.
Mariannais modernes.
Tout ce qui, chez ies nobles, intéressoit l’honneur et ia conservation
de leur famille, y compris même les questions de guerre et de paix,
étoit soumis à un conseil composé des chefs et des femmes de ia famille
dont la tribu étoit composée (i), dans lequel ces dernières avoient une
très-grande prépondérance.
Ce tribunal exerçoit sa juridiction sur le matoa noté d’infamie à ia
guerre, pour cause de trahison ou de lâcheté ; sur celui qui, sans la permission
du maga-lahi, s’étoit livré à des opérations de commerce avec
des gens étrangers à sa peuplade; qui s’étoit battu avec des armes
prohibées (2); qui avoit négligé ou seulement trop tardé de venir au
secours d’un membre de sa famille dans Je besoin; qui s’étoit allié ou
même avoit vécu en simple concubinage avec une femme mangatchang;
sur celui enfin qui s’étoit rendu coupable de quelque délit relatif à Ja
pêche, ou bien avoit enfreint de toute autre manière les ordres de ses
chefs ou les lois du pays. Commettre une faute dont la famille pouvoit
avoir à rougir, c’étoit insulter toutes les proches parentes ; aussi venoient-
elles toujours en demander la réparation en personne; dans les cas très-
graves, les femmes même purement alliées avoient le droit de fiiire parvenir
leurs doléances. L’accusé se défendoit lui-même, et faisoit ressortir,
soit les circonstances atténuantes de sa faute, soit son innocence. Si ie
délit, quoique avéré, étoit jugé susceptible de rémission, les parentes,
ou une seule au nom de toutes, déposoient un alas aux pieds du coupable,
qui, afin de répondre à cette muette notification, consio-noit du
poisson sec ou frais, du riz,'des racines, & c ., pour une valeur au moins
égale : cet échange d’alas et de denrées se renouveloit à plusieurs reprises,
( i ) « L e s G au le s , autrefois divisées en soixante c antons, avoient un conseil général, com-
» p o s é pendant long-temps de femmes tirées de chaque can ton ; elles délibéroient de la p a ix et
» de la gue rre, et jugeoient les différens qui s’élevoient entre les juges de chaque canton. C e
» fu t à la suite d’un discours p rononcé, avec une dignité et une fermeté héroïques, par une
» dame gauloise , sur le choix d’un ch e f et quel en devoit être le but en l’établissant, qu’il fut
» décidé de créer un tribunal de dames de la nation. On peut en fixer l’époque en l’an 1 1 7 7
» avant J . C . C ’est par ce conseil qu’étoient gouvernées les G aules du temps d’Annibal, »
( Variations de la monarchie gauloise, par Gauthier de Sibert. )
(2) Voyez ci-dessus, page 483.