
Sé jou r
à Rawak.
CHAPITRE XX.
Séjour aux îles des Papous; relâche a l ’île Kawak; courses
â Vaigiou, Boni et Manouaran.
L e s vingt jours de notre mouillage aux îies des Papous furent employés
à faire les diverses séries d’observations de physique, de géographie et
d histoire naturelle que la nature de l’expédition exigeoit. L ’île Rawak,
sur laquelle on s’établit d’abord, est petite et inhabitée; aussi y eûmes-
nous, contre notre attente, très-peu d’occasions d’étudier l’espèce humaine.
Les Papous de Vaigiou vinrent, il est vrai, nous visiter quelquefois;
mais la rareté de relations réciproques, l’ignorance où nous étions
de leur langage, l’impossibilité de se faire comprendre autrement qu’à
i aide du malais, dont ils savoient quelques mots, rendirent très-difficile
la connoissatjce de leurs moeurs; on recueillit cependant, parmi eux,
quelques faits qui ne sont pas sans importance.
Notre premier soin , le i 7, fut de chercher un lieu propre à ¡’établissement
de l’observatoire. Quelques huttes construites sur pilotis, près
du rivage, et au dessus de l’eau; d’autres établies à terre même, à peu
de distance, fixèrent nos regards : i’espoir de découvrir les habitans de
l’île nous attira de ce côté; mais tout étoit désert, et l’état de vétusté
et de désordre des habitations , attestoit que depuis long-temps leurs
propriétaires les avoient abandonnées. Le seul fruit de nos recherches
fut la découverte de plusieurs tombeaux ; tristes indices de l’insalubrité
de ces parages , dont nous devions avoir nous-mêmes tant à déplorer
l’influence !
A défaut d’autre abri, nous campâmes en partie dans ces cases délabrées,
en partie sous des tentes.
Le 18 , avec le jour, parut une pirogue venant de i’île Boni; eile ne
tarda pas à nous accoster. Le Papou Srouane, qui la commandoit, vêtu
d’un pantalon rouge, d’une robe d’indienne, et portant sur la tête un mouchoir
contourne en guise de turban, nous offrit quelques fruits et du
poisson ; mais il vouloit en échange des étoffes de coton, ne faisant que
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 2 1
peu de cas de notre quincaillerie. Dans l’espoir de disposer favorablement
les premiers indigènes qui venoient communiquer avec nous, je fis un
cadeau â Srônane, dont ii fut tellement satisfait, que depuis cet instant
il m’appela son ami, et fut un de nos commensaux ies plus assidus.
Accompagnés de ces nouveaux hôtes, nous nous rendîmes à terre de
bonne heure, pour continuer nos opérations. Nous eûmes bientôt un
exemple de la supériorité du sauvage sur l’homme civilisé pour se procurer
ies nécessités de ia vie. C ’étoit l’heure du déjeûner. Pendant que
nos Papous étoient ailés chercher toute sorte de fruits et de poissons,
qu’ils avoient en. un instant allumé un énorme brasier en frottant deux
morceaux de bois l’un contre i’autre, qu’ils commençoient enfin à faire
cuire les produits de leur pêche, notre cuisinier, qui avoit perdu un temps
considérable à déballer son attirail culinaire et à orienter convenablement
ses fourneaux, se lamentoit encore d’avoir oublié son briquet quand il
put se pourvoir d’un tison au foyer des Papous. Cependant Srouane me
fit cadeau d’une partie de sa pêche, et voulut bien retarder son déjeûner,
pour profiter de l’invitation que je iui avois faite de prendre place à
ma table.
Bientôt une seconde pirogue, partie du fond de la baie de Kabaréi,
sur l’île Vaigiou, vint débarquer à Rawak. Nous remarquâmes plus particulièrement
alors l’étonnante densité de la chevelure des hommes qui la
montoient. Plusieurs de ces Papous étoient couverts de lèpre, ce qui
n’empêchoit pas ceux qui n’en étoient point affectés de leur toucher
la main : je ne me montrai pas plus difficile, et n’en éprouvai rien de
fâcheux.
Nos travaux géographiques commencèrent ce même jour; M. Duperrey,
qui en étoit chargé, s’en occupa avec son habileté accoutumée.
L’appareil propre à mesurer les marées fut aussi établi.
La nuit du 18 au 19 décembre fut très-pluvieuse; le temps s’étant
nettoyé le matin, on s’empressa de retourner à terre pour terminer ies
dispositions nécessaires à l’établissement des instrumens ; malgré notre
activité , cependant, les observations du pendule ne purent commencer
que le 20.
On s’occupa aussi de divers travaux relatifs au ravitaillement du navire;
i8i8.
Dé cem bre .
lie s des Papous.