
n;
300 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Iles Mariannes. boire au malade une ou deux tasses de l’infusion, faite à chaud, du fruit
co^mPiX’Mu. pakao; ce remède agit par le haut et par le bas. M. Duperrey cite le
cas d’un Mariannais qui, malade d’indigestion à un point désespe'ré,
prit dans un bouillon une forte décoction de piment enragé, et gaiérit.
Folie, — Cette aberration mentale est fort rare aux Mariannes ; un
seul individu s’en trouvoit atteint à l’époque où nous y relâchâmes.
Maladies des enfans. — Souvent, sept à huit jours après leur naissance,
ies enfans sont pris de fortes convulsions, qui font périr presque tous
ceux qui en sont atteints. D’autres meurent de cette maiadie ou de
diarrhées opiniâtres, à l’instant de la pousse des premières dents ; rarement
même ies dents incisives leur sortent-elles sans être accompagnées de
quelque malaise.
Accouchemens. — Les accouchemens sont faciles dans le plus grand
nombre de cas ; cependant il n’est pas rare tjue, faute de secours éclairés,
beaucoup de femmes meurent ici en couche. MM. Quoy et Gaimard
ont eu ie bonheur de sauver la vie à une infortunée qui, sans leurs
soins, eût péri dans les plus affreuses douleurs. Voici comment le premier
de ces médecins rend compte des circonstances dont son collègue et iui
furent les témoins ;
« Une femme de trente ans, mariée depuis douze, n’avoit point encore
eu d’enfant. On pouvoit attribuer ce retard à une chute de l’utérus qu’elle '
avoit toujours eue. Néanmoins elle conçut, et la grossesse étant arrivée
a terme sans accident, les douleurs de l’enfantement la prirent, mais ne
purent pas être suivies de sa délivrance. La veille, i’enfant avoit donné
des signes de vie ; et depuis, il y avoit cinq jours que cette femme
étoit dans les souffrances, lorsque je fus appelé.
» A mon arrivée, la malade, couchée sur une natte dans un étroit
appartement, se trouvoit entourée d’une demi - douzaine de vieilles
matrones, dont chacune donnoit son avis, pendant que d’autres, dans
une chambre voisine, étoient à genoux devant une image de la Vierge.
Le temps ordinaire de la délivrance étant passé sans qu’elle eût eu iieu,
on tâcha de la provoquer par des boissons où l’eau-de-vie de coco entroit
en assez grande quantité, par de forts coups de poing, et des pressions
sur le ventre. Ces épouvantables moyens ne produisant aucun effet, on
LIVRE III. — D e T im o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 30 1
n’attendoit plus de secours que dans l’intercession des saints et dans Iles Mariannes,
l’efficacité de quelques reliques, qui furent suspendues au cou de la malade
ou dont on l’entoura : topiques innocens et propres à ranimer le courage
abattu par les souffrances ! Mais ie moyen sur lequel on comptoit le plus,
et qui cependant faisoit le plus de mai, étoit une bande en cuir désignée
sous le nom de ceinture de la Vierge Marie, et qui, forte et lissée par
l’usage fréquent qu’on en avoit fait, servoit à serrer le ventre de la mere.
Respectant toutes ces reliques , j’obtins cependant que l’action mécanique
de cette espèce de sangle fût diminuée.
» Je ne détaillerai point les moyens que nous employâmes, M. Gaimard
et moi, pour amener cet accouchement à une heureuse fin. La femme
souffroit avec une patience angélique et sans se plaindre : les momens
étoient précieux; la tête de l’enfant, qui étoit mort, engagée au passage,
exhaloit une odeur de sphacèle. La réduction de l’utérus avoit été impossible
, et son coi, contracté depuis plusieurs jours, se refusoit à tout
relâchement. Je courus à bord chercher mes instrumens, et, à l’aide
d’une dilatation et de la ponction faite à la tête de l’enfant, nous eûmes
le bonheur d’arracher cette infortunée à une mort presque certaine. Les
accidens consécutifs furent peu considérables ; mais il fallut user d autorité
pour écarter ies moyens dangereux qu’à chaque instant d’im'prudens
amis vouloient mettre en pratique. »
Pour donner une idée plus complète des procédés empiriques des sages-
femmes mariannaises, en ce qui concerne les accouchemens, nous transcrirons
ici un petit nombre d’observations dues à M. Gaimard.
« S’agit-il en ce cas de seconder ies efforts de la nature, on fait boire
à la malade ia valeur d’une demi-tasse à café d’urine du mari mêlée avec
du lait de femme, ou bien avec de i’herbe de Santa-Maria qu’on y a
fait macérer.
» Les coliques qui suivent l’enfantement, se calment au moyen des
feuilles mâchées d’un arbre nommé en espagnol agno-casto et en mariannais
lag&ndi, que l’on applique, comme émoliientes, sur la région
hypogastrique. La soeur de D. Luis de Torrès nous a dit en avoir obtenu
de bons effets. La tige et les feuilles de l’herbe de Santa-Maria servent
aussi à faire une décoction que boivent les femmes dont la délivrance