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i8i8. des langoustes, quelquefois aussi des cochons sauvages, des ananas, des
Dé cembre .
Iles des Papous.
citrons, Scc. Les bois nous iournissoient en abondance des cocos, des
bananes , des eiigénias , et sur-toiit d’excellens choux de cocotier. Cet
agréable régime, aussi salutaire pour nous tous que pour nos malades ,
n’eût rien laissé à desirer, s’il avoit pu rendre à ia santé un de nos plus
intéressans officiers, M. Labiche, qu’une dysenterie violente affoiblissoit
de plus en plus.
Course à Boni. J'expédiai MM. Quoy et Duperrey au havre Boni (1), pour y faire
des recherches de géographie et d’histoire naturelle. Ils quittèrent ¡’Uranie
le 2 5 décembre ; et après avoir prolongé les baies d’Azonkonel et d’Inam-
bire (2), ils doublèrent ie cap Guérin , et se trouvèrent à l’entrée du
havre qu’ils avoient à examiner. D ’abord ils abordèrent au point où
d’Entrecasteaux , en 1 7 9 2 , avoit établi son observatoire; mais ils n’y
trouvèrent qu’un misérable hangar abandonné, un petit nombre de
maisons en ruine et quelques tombeaux.
« II étoit temps, dit M. Quoy, que nos hommes, après avoir ramé
une partie de ia journée, prissent un peu de repos ; nous mîmes donc
à terre. Là chacun eut ses fonctions : pendant qu’on débarquoit divers
objets et qu’on amarroit le canot pour la nuit , les uns allumoient du feu
et préparoient le souper, les autres coupoient des feuiiles de cocotier,
pour achever de couvrir notre hangar, qui étoit à jour sur les côtés et
par en haut.
» Le lendemain , on rembarqua tous nos effets ; et dès que le jour
parut, nous partîmes pour l’île Boni, où la veille nous avions aperçu
un assez grand nombre de maisons. Arrivés vis-à-vis de l’anse où elles
sont placées , nous reconnûmes qu’une ceinture de brisans nous en défen-
doit l’approche. Ayant fait sans succès, pour franchir cette barrière,
quelques tentatives qui faillirent même nous être funestes , il fut
résolu que nous nous dirigerions vers le côté Sud de l’île, où la mer
plus tranquille nous promettoit un accès moins périlleux ; mais là ,
des arbres qui couvroient ies rochers en s’avançant jusque dans l’eau,
( I ) C e havre se trouve sur l’ île V a îg io u . Voyez p l. 36.
( 2 ) B aîe s situées aussi sur V a ig io u , entre l’ île R aw a k et ie havre Boni. Voyez la carte n.“ 5
de notre Atla s hydrographique.
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 25
bordoient la côte d’un rempart presque impénétrable; une très-petite
anse nous parut être le seul point où l’on pût débarquer. Du reste,
nous admirions par-tout ia vigueur et l’éciat de cette végétation :
tantôt des perroquets, parés des pius vives couleurs, l’animoient et
l’ornoient à-Ia-fois ; tantôt des kakatouès d’une blancheur éblouissante
se dessinoient au loin sur ie vert foncé du feuillage; nous en vîmes
quelques-uns entièrement noirs, ce qui est assez rare dans cette espèce
d’oiseaux causeurs.
» Continuant de cotoyer l’île Boni, l’embouchure d’une petite rivière,
par laquelle la mer pénètre dans l’intérieur des terres , nous fit naître i’idée
d’y entrer ; nous le fîmes en nous glissant avec peine sous les branches
des mangliers , dont les racines entravoient à chaque instant la
marche du canot, et finirent par lui barrer tout-à-fait le passage; heureusement
une pointe de rocher nous reçut près de ià, et nous y recueillîmes
quelques échantillons pour joindre à notre collection minéralogique.
Peu de temps après, il parut une pirogue qui se dirigeoit vers nous ;
c’étoit Srouane, chef de l’île Boni, qui, nous ayant reconnus lorsque
nous cherchions à franchir ies brisans, venoit à notre rencontre. Prié de
nous conduire au village qu’il habitoit, il ne s’y refusa pas précisément,
mais il mit tant de lenteur à se décider, son air paroissoit si inquiet, que
nous-mêmes ne pûmes nous défendre de quelque crainte : tantôt il navi-
guoit derrière le canot; tantôt il venoit à côté, jamais ii nepassoit devant;
une fois même il alla sur i’île pour prendre un troisième compagnon ; enfin,
après nous avoir fait suivre assez exactement la route par laquelle nous
étions venus, il prit subitement le large, et, contournant les brisans qui
nous avoient repoussés , il s’engagea entre eux par une passe étroite.
Nous le suivîmes alors, mais non en toute sécurité, car il pouvoit arriver
qu’ayant à franchir une barre, notre embarcation pérît dans ce trajet, qui
pour la pirogue, beaucoup plus légère , auroit été sans danger ; et qui
sait, disions-nous tout bas, s’il ne nous conduit pas dans un piège pour
profiter ensuite de nos dépouilles. Grâce à Dieu, ces soupçons étoient
injustes; Srouane nous pilota avec toute la bonne foi possible : notre
embarcation , après avoir dépassé les brisans sans maiencontre, vogua
dans une eau paisible , quoique peu profonde. Notre étonnement fut
Voyage de VUranîe. — Historique. T . II. D
Ile Boni.