
Ile s Mariannes.
D e l’ homme
comme individu.
illi
J! i l
284 VOAGE AUTOUR DU MONDE.
Ichthyose. — » La première est ia lèpre écailleuse, que nous avons
décrite en parlant des Papous, mais sur laquelle nous allons revenir,
parce que nous avons eu ici le temps de l’observer de nouveau avec
beaucoup d’attention ( i ),
» Ceux qui en sont atteints se nomment, dans le pays, cascaos (2).
Elle y est très-répandue, et se complique même souvent des autres espèces.
Eiie débute par des taches sur diverses parties de la peau, depuis
la cheville jusqu’à la partie supérieure du cou; mais le visage, les pieds
et les mains en sont presque toujours exempts. Ces taches sont d’abord
lisses, d’un brun qui tranche avec la couleur du corps ; ce n’est qu’après
quelques mois et souvent même plus d’une année, qu’elles commencent
à être rugueuses et furfuracées. Peu à peu , elles augmentent d’étendue et
d’intensité; de brunes, elles deviennent blanchâtres; l’épiderme, en se
gerçant, se soulève, se découpe en festons, et forme ies squamines qui
distinguent le dernier période de cette affection. Souvent plusieurs parties
sont attaquées à-la-fois ; ce sont ordinairement la poitrine, les environs
du cou, le bas-ventre, et enfin les membres, jusqu’à ce que, par
une marche toujours croissante, le corps entier soit envahi. Une des
variétés de l’ichthyose rend la peau moirée : les écailles alors , au lieu de
suivre une direction horizontale, se recourbent en rond ou en ovale, et
forment des cercles et des demi-cercles concentriques les uns sur ies
autres, qui ne dépassent pas la largeur d’un écu ; quelquefois ce ne
sont que des lignes ondulées de même grandeur. C ’est sur-tout à la
poitrine que cette disposition est le mieux dessinée.
» Quoi qu’il en soit , les personnes affectées de cette infirmité ne
paroissent pas sensiblement en souffrir. Si elles sont jeunes, elles croissent
et se développent comme elles le feroient en pleine santé ; vaquent à
( I ) On peut vo ir plus h au t, dans la Description de la lèpre chez les P a p o u s , chap. X X I,
S. IV , les rapports que présente cette m a lad ie , soit dans ses p rogrès, soit dans ses causes,
a v e c celle des Mariannais.
( a ) C ’est ie mot espagnol. L es Mariannais appellent cette m a lad ie , lorsqu’elle est arrivée
à son dernier période, a tig ta g , Qt gmpo quand elle est encore récente. D jaf-la g o désigne une
espece particulière de lèpre exotiq ue , ainsi que l’indique la composition même du mot, U ja f -
d j a f est le nom qu on donne aux taches blanchâtres qui viennent sur la peau des gens de couleu
r , taches qui ne sont elles-memes qu’ un premier degré de la lèpre.
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 285
leurs occupations sans éprouver ni plus ni moins d’irritation dans ie tissu lie s Mariannes,
cellulaire, et vieillisent sans que le mai fasse de plus grands progrès.
Son action se borne donc à ia peau, et ne porte sur aucun organe essentiel
à la vie. Aussi n’est-ce qu’une maladie incommode et non dangereuse,
du moins sous un climat chaud comme celui de cette îie : car je
crois que, transportés par des latitudes moins élevées, les malades auroient
beaucoup à craindre des variations brusques de l’atmosphère; que
la suppuration s’établiroit infailliblement dans les parties écailleuses de
leur corps et les jetteroit dans l’épuisement, comme j’ai eu occasion
de le voir en France sur deux personnes qui ont fini par succomber
ainsi.
» L’ichthyose attaque également ies deux sexes ; tous ies âges, mais
plus rarement l’enfance, sont susceptibles de la contracter : elle se propage
par le contact, iorsque ies individus y sont déjà disposés; toutefois
elle n’est point contagieuse dans tous les cas; et nous avons vu des
femmes en être exemptes, quoiqu’elles habitassent avec leurs maris qui en
étoient couverts, ou bien des nourrices ne pas ia communiquer à leurs
nourrissons. S’il n’en étoit ainsi, il n’y auroit pas à Goam un seul habitant
qui pût s’y soustraire : en effet, on y connoît peu de familles qui
n’aient au moins un lépreux parmi leurs membres, et tous couchent
pêle-mêle sous le même toit et sur ies mêmes nattes.
» Faute de médecins, les Mariannais ont de tout temps négligé un
mai qui ne les incommodoit pas d’ailleurs trop fortement; ou si quelquefois
les gouverneurs, et peut-être des étrangers pendant un séjour
éphémère, leur ont indiqué des remèdes, ils les auront mis en pratique
avec cette nonchalance qu’ils apportent à tout ce qui exige des soins.
C ’est ainsi qu’on a fait venir d’AcapuIco i’arbre qui fournit la casse, dans
la croyance que ses feuilles fraîches, écrasées et frottées sur la partie
malade, ont la propriété de procurer une prompte guérison; et malgré
tous les bons effets qu’on m’a dit en avoir retirés, l’arbre et ie procédé
curatif sont presque entièrement abandonnés.
» Le gouverneur D. Médinilia m’a assuré avoir vu guérir, par ce seul
topique, piusieurs individus en peu de temps , sans que l’évidence de
ces succès eût pu engager d’autres personnes à se soumettre à un traitelî:
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