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Iles Mariannes. ment larges chez ies Mariannais, le deviennent aiors davantage; iis
r ™ m ! s u c c e s s i v e i n e n t ,les parties voisines du cou, la poitrine et tout
le corps ; mais au lieu d’être luisante, la peau est rude au toucher. Enfin ,
les symptômes restent long-temps stationnaires, en prenant seulement
plus d’intensité au visage, siège où se développent ces piis profonds qui,
partant des ailes du nez et finissant à la partie inférieure de la commissure
des lèvres, donnent à la physionomie nn rapport frappant avec la
face d’un lion.
En conséquence de l’opinion où l’on est à Goam que cette maladie
est contagieuse, on séquestre dans des lazarets éloignés les individus
des deux sexes qui en sont atteints. L à , presque abandonnés à eux-
mêmes, redoutés des étrangers, qui les fuient, sans aucun secours hygiénique,
puisqu’il n’y a pas de médecins dans l’île, ces malheureux voient
empirer chaque jour leurs infirmités et s’avancer le terme prématuré de
leur triste existence. »
Plusieurs d’entre nous ont visité ces asyles de la souffrance, et je vais
exposer succinctement, d’après M. Gaimard, ce que leurs habitans lui
ont offert de pius remarquable.
Lazaret des hommes près d’Anigaa. — « i.° Pedro Guerrero, natif
d’Agagna, âgé de trente-trois ans, attaqué de la lèpre depuis neuf années,
n’avoit jamais, avant cette époque, ressenti d’infirmités. Sa figure toute
entière étoit maintenant flasque et ridée ; les paupières supérieures infiltrées
et tombantes ; le lobe et les ailes du nez sembiables à des tubercules
arrondis et sillonnés par des rainures ; les oreilles pendantes et dans
le même état de flaccidité que la peau de tout le corps, qui, en outre, se
trouvoit couverte de nombreux boutons plùs ou moins circulaires et
marqués d’un point an milieu; le pouce de ia main droite rabougri, les
autres doigts réduits à deux phalanges dépourvues d’ongles; ies membres
inférieurs légèrement déformés; les orteils des pieds raccourcis comme
les doigts des mains, et le pied gauche contracté aux deux tiers de sa longueur
normale ; les tégumens des parties sexuelles d’une rudesse extraordinaire.
Malgré l’étendue de ces phénomènes maladifs, le sujet pouvoit
exécuter assez bien toutes ses fonctions, mais éprouvoit seulement dans
tout ie corps un prurit violent, et chaque jour, matin et soir, des hé-
LIVRE III. — D e T jm o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 293
morrhagies nasales : il est à remarquer que l’oncle par la mère de ce malade lies Mariannes,
avoit été retenu dans l’hospice des lazaristes pour une pareille infirmité. De l’homme
•* comme indiviJu.
•> 2.° Filisiano Crysostomo, du même âge et de la même ville que
le précédent, sentit , à trente ans , les premières atteintes de ce mal
aux sourcils, qui, après avoir perdu tous leurs poils , devinrent depuis
le siège d’une douleur légère et d’une extrême chaleur. La peau
de tout le corps a la teinte rougeâtre, parsemée de quelques boutons
, d’où résulte un sentiment de feu dévorant qui rend le sommeil
difficile. Filisiano, avec peu d’appétit, trouve salés tous les mets dont il
use, éprouve des hémorrhagies nasales habituelles, et quelquefois est en
proie à de violens désirs lubriques. Cependant aucun de ses parens n’est
attaqué de la même maladie, et ses enfans jouissent de la santé la plus
brillante.
3.° Carlos Aibares, d’Agagna, âgé de vingt-trois ans, est malade
depuis deux. Lés pommettes de ses joues, son tissu cellulaire, ses pieds
et ses mains présentent les particularités remarquées plus haut dans
Guerrero. De plus, ses jambes sont gonflées, noirâtres et attaquées de
quelques petits ulcères. Il sent une démangeaison dans tout le corps ,
mais aucun désir vénérien. Régulièrement deux fois par jour, ou à volonté
en faisant un léger effort, se manifeste chez lui une hémorrhagie
nasale , toujours annoncée par une vive chaleur. La quantité de sang
épanchée chaque fois est d’environ une once.
4.° Pédro Manaiissen, d’Agagna, âgé de trente-deux ans, est attaqué
depuis quatre années de cette maladie affreuse. Outre les symptômes habituels
déjà décrits, sa figure, entièrement ridée , offre des points durs au
menton et au-dessus des pommettes; les poils de la poitrine, des sourcils
et de tous les membres, ont disparu ; la peau du corps est jaunâtre ;
les orteils sont enflés, et leurs ongles extrêmement réduits; la vue est
devenue très-foible : les fonctions du reste se font assez bien , mais le
moindre exercice est suivi de fatigue. II éprouve une démangeaison générale,
n’a aucun désir lubrique, et, au moindre effort, voit se renouveler
l’hémorrhagie nasale. Aucun de ses parens n’a eu cette maladie.
5.° José de Castro, d’Agagna, âgé de vingt-deux ans, est malade
depuis neuf A son nez, à ses lèvres, à son menton et à ses oreiilès