
1819.
Jan v ie r .
S é jo u r
à R aw ak.
feignant d’ignorer que le vin et les liqueurs fussent compris dans les prohibitions
du Coran, iis ne firent aucune difficulté d’en boire, et même
d’en boire au point de me donner des craintes pour le dérangement de
leurs têtes. Cependant leur boisson de prédilection étoit le café, et je
ieur en versai en abondance. Iis me firent aussi une énorme consommation
de confitures.
Peu jaloux de conserver tous ces étrangers à bord pendant la nuit, je
leur cédai une tente qui restoit disponible à terre, et dans laquelle il
fut décidé qu’ils coucheroient; queiques-uns cependant préférèrent accompagner
le kapitan Raouk à Kabaréi.
Il me fallut encore tenir table ouverte le lendemain; et quoique nos
opérations fussent finies à l’observatoire, je commençois à être fatigué de
l’importunité indiscrète de mes hôtes. Après déjeûner, ils se mirent à
brocanter à bord en gens qui n’étoient pas novices : leur rapacité, ieur
vilenie, nous révoltèrent enfin ; aussi n’étions-nous pas fâchés de ies
voir regagner promptement la baie de Kabaréi. Abdalaga avoit déjà vu
rapporter à bord une partie de nos instrumens, et je lui annonçai que
tout mon temps alloit être occupé par les préparatifs pour appareiller :
il comprit dès-lors qu’il devoit m’accorder un peu de répit. Toutefois,
ne regardant pas notre séparation comme définitive, il manifesta i’inten-
tion de me faire une dernière visite quand nous serions sous voiles.
Le 5 nous appareillâmes de bonne heure, mais le calme nous força
de nouveau à laisser tomber l’ancre; circonstance dont le kapitan Guébé
et son frère profitèrent pour remplir leur promesse. On se fit mutuellement
des cadeaux d’adieu, et nous nous séparâmes bons amis.
Un fait qui nous frappa, c’est que tous les Papous dont nous étions
entourés depuis l’instant de notre arrivée, et qui fournissoient si exactement
nos marchés, disparurent aussitôt que les gens de Guébé se
montrèrent. On put remarquer même que ces derniers leur inspiroient une
grande terreur, d’où il étoit naturel de conclure qu’Abdalaga et les siens
traitoient en despotes les paisibles habitans de ces contrées, et ne récom-
pensoient sûrement pas aussi généreusement que nous les services qui leur
étoient rendus. Nous reviendrons sur cet objet dans le chapitre suivant.
La journée se passa toute entière à attendre la brise ; enfin eiie se
décida sur les 9 heures du soir, et nous gagnâmes le large.
CHAPITRE XXI.
Remarques sur les îles Rawak, Vaigiou, Boni et Manouaran.
Avant d’alier plus loin, nous réunirons, comme à nos précédentes
relâches, dans un seul chapitre, nos observations relatives à I atmosphère,
au sol, aux productions, à l’homme, à son industrie, &c.
§.
Géographie et physique.
Rawak, Vaigiou ( i ), Boni et Manouaran, appartiennent aux îies des
Papous, et sont situés presque exactement sous i’équateur. Le gisement
de notre observatoire, sur la première' de ces îles, étoit par 0° i ' 34", J
de latitude Sud, et 128° 35' 4 ",ô à l’Est de Paris. Cette île, d’une
forme irrégulièrement triangulaire, offre, sur deux de ses côtés, des
enfoncemens , dont l’un, celui de l’E s t , porte ie nom de havre
Rawak; elle a un mille dans son plus grand diamètre, et n’est
séparée de Vaigiou que par un canal d’un quart de mille de largeur.
Manouaran est éloigné d’environ trois milles au Nord-Ouest de Rawak ;
Boni, beaucoup plus voisin de Vaigiou, en est, ainsi que Rawak,
comme un appendice.
L’examen attentif de notre planche 3Ô montrera, pius exactement que
nous ne saurions le faire ic i, la situation respective de ces différentes îles :
aussi ne renouvellerons-nous pas les descriptions hydrographiques développées
dans ia partie Nautique de notre Voyage. II suffira de dire que
les îles Manouaran, Rawak et Boni sont fort petites comparées à Vaigiou,
qui n’a pas moins de 72 milles de diamètre, mais dont ie littoral
est encore très-inexactement connu, sur-tout vers ie Sud.
L’extrémité méridionale de Rawak forme une presqu’île qui n’est
réunie à sa partie opposée que par une plaine basse et marécageuse, inter-
( I ) L es naturels du pays prononcent Vdghîou.
Géographie.