
lies Carolines.
D e l’homme
V
Kotzebue [op. cit.) décrit ainsi cette opération ; « Ils enlèvent deux
rubans, de part et d’autre, de la côte d’une feuille de cocotier, et répètent
successivement les syllabes pouê voue potie'. Alors ils font à ia hâte des
noeuds à chacun de ces rubans ou bandes, tout en exprimant plusieurs
fois leur voeu à haute et intelligible voix. La première bande est posée
entre le petit doigt et i’annulaire, avec quatre noeuds en dedans de la
main; la seconde, avec un nombre de noeuds décroissant, entre ie doigt
ciu milieu et l’index et entre celui-ci et le pouce. Selon que le nombre
des noeuds qui pendent en dehors de la main coïncide ou diffère avec
celui des doigts, d’un, deux, trois ou quatre, l’événement sera heureux
ou malheureux. »
Les habitans des îles Paiaos ont un usage analogue. « Ils n’entreprennent
rien, dit l’auteur de la Relation des îles Pelew, sans avoir fendu
auparavant les feuilles d’une certaine piante assez semblable à notre jonc
de marais, et sans en avoir mesuré les parties sur ie dos de leur doigt
du milieu, pour savoir si leur entreprise doit réussir ou non. »
« Lorsque les naturels de Farroïlep vont à la pêche, ils ne portent
pas de provisions dans ieurs barques , dit Cantova ( i ). Leurs tamors s’assemblent
dans une maison au mois de février, et ià ils jugent, par la voie
du sort, si la navigation doit être heureuse et la pêche abondante. Pour
découvrir ce sort, ils font des noeuds à des feuilles de palmier, ies
comptent l’un après l’antre, et ieur nombre pair ou impair pronostique
le bon ou le mauvais succès de l’entreprise. »
Pour en revenir à nos pilotes carolinois, les noeuds qu’ils firent leur
ayant annoncé que, s’ils demeuroient plus long-temps à terre, ils s’ex-
posoient à avoir un temps défavorable, iis mirent aussitôt à ia voile,
sans attendre deux autres barques qui étoient allées à Rota. Mais comme
il se trouvoit là des pirogues de diverses îles aux ordres de chefs diffé-
rens, il y eut un instant scission entre eux; je crois même que deux de
ieurs pros étoient résolus à rester : lorsqu’ils virent cependant que leur
plus fameux pilote prenoît ia mer, ils partirent tous.
M. Lamarche a observé que ces insulaires croient aux maléfices, aux
influences des astres, aux jours heureux ou malheureux, a Le moindre
( i ) Lettres édifiantes.
LIVRE III. — De T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t , i i 5
présage, dit-il, íes fait changer de détermination; et leurs parens s’abs- Iles Caroline s,
tiennent, pendant leur absence, de manger des bananes et d’autres fruits, D e l’homme
dans la vue d’intéresser davantage ia divinité à la conservation des voyageurs
qui leur sont chers. »
Le père Cantova (i) retrace, sans differences notables, ce que nous
avons dit précédemment sur les idées très-imparfaites des habitans de cette
même troisième province (2) sur la religion. « Ils reconnoissent néanmoins,
dit ce célèbre missionnaire, de bons et de mauvais esprits ; mais, par
une manière de penser toute matérieile, iis donnent à ces prétendus esprits
un corps et jusqu’à deux ou trois femmes; ce sont, disent-ils, des substances
célestes d’un espèce différente de celles qui habitent ia terre.
» Voici en peu de mots le ridicule système que leurs pères ieur ont
transmis par tradition. Le plus ancien de ces esprits est Sahoukour (3),
et sa femme Halmeloul; de ce couple naquit un fils auquel iis donnèrent
le nom à’EUouIep (4), qui signifie en leur langue le grand esprit, et une
fille nommée Ligobound (5). Le premier épousa Leteuhieul, née dans l’ile
Gouliay (6); elle mourut à ia fleur de l’âge, et aussitôt son ame s’envola
au séjour des autres dieux. Elioulep avoit eu d’elle Loiigheileng (7), c’est-
à-dire, le milieu du ciel; on le révère comme un prince du royaume céleste
, dont il est l’héritier présomptif.
» Cependant Elioulep, peu satisfait de n’avoir eu pour tout fruit de
son mariage qu’un seul enfant, adopta, pour s’attirer plus de considération
et de respect dans les îles circouvoisines, Rescliahouileng, jeune homme
très-accompli, originaire de Lamoursek.
» Ligobound, soeur d’EliouIep, se trouvant enceinte dans les régions
aériennes, descendit sur ia terre, où elle mit au monde trois enfans.
( 1 ) Lettres édifiantes.
( 2 ) C ’est II! seconde province de C antova,
( 3 ) J ’ai substitué là , comme dans les mots qui suivent, l’on français à Vu espagnol.
(4 ) C ’est bien évidemment XA louilap de D . Luis de T orrè s . 11 paroît que les syllabes lep et
lap sont parfaitement synoymes, et que l’une et l’autre signifientgmm/. R ien n’est plus irrégulier,
au reste, que la prononciation des Carolinois.
( 5 ) C ’est le L igo p oiid d e P . Luis,
(6 ) C an to v a dit U lé e , mot équivalent de G o u lia y , sinsi que nous l’avons dit plus haut,
( 7 ) C ’est le Longheling de D . Luis.