
Iles Mariannes. tion juridique , qui, selon la nature du délit, ie déclaroit atchaot pour la
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vie on à terme. Lorsque le jugement portoit qu’il s’expatrieroit seul, les
parens de sa femme avoient coutume de faire de grands efforts pour
obtenir que ceile-ci fût autorisée à l’accompagner dans i’exii avec ses
enfans. A cet effet, ils apportoient des vivres devant le juge, et de son
côté la famille du mari y apportoit des alas. La valeur respective des
offrandes étoit prise en grande considération, et la sentence rendue contre
le coupable étoit modifiée ou confirmée, selon que leur poids avoit fait
pencher la balance de la justice pour les uns ou pour les autres.
Lorsqu’un atchaot mouroit en exil, si sa femme et ses enfans étoient
auprès de lui, ils restoient eux-mêmes atchaots; mais quand la femme
mouroit la première, les enfans devoient suivre le sort du père, soit
qu’il demeurât atchoat, soit qu’il fût réhabilité.
L’atchaot sorti de sa peuplade en conséquence d’un jugement, ne
pouvoit jamais y rentrer; mais s’il s’en étoit banni volontairement Iui-
même, pour se soustraire à des poursuites judiciaires , ii conservoit
l’espoir d’y revenir un jour. On n’étoit point atchaot dans sa propre tribu,
ce nom emportant par une suite nécessaire ia condition d’étranger. Le
noble privé de son état et de sa fortune pour ses méfaits, et qui n’émi-
groit pas, ce qui étoit rare, recevoit la qualification de matchat-lémin
[homme méprisé, homme que tout le monde abhorre]; en recevant sa
grâce, il pouvoit obtenir aussi que ses biens lui fussent rendus.
Cependant le matoa qui avoit bâti et meublé sa maison iui-même, sans
les secours de sa famiile, soit à l’époque de son mariage, soit après un
ouragan, un incendie, & c ., jouissoit d’un privilège exceptionnel, et ne
pouvoit pas en rigoureuse justice être fait atchaot : mais s’il s’étoit rendu
coupable d’un crime digne d’un châtiment de cette nature, on prenoit un
biais pour ie faire rentrer dans ie droit commun. La famiile construisoit
une maison plus belle et plus spacieuse que celle qu’il occupoit ; elle
la faisoit garnir de tous les objets nécessaires, puis ii étoit sommé
d’aller bon gré mal gré en prendre possession. A peine y étoit-il installé,
qu’on venoit lui dire : Eloignez-vous à l’instant, homme déshonore', d’une
peuplade qui est souillée par votre présence. Cette injonction ne souffroit
point de réplique; et dès qu’il étoit parti, on déclaroit ses biens
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LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 4 8 1
confisqués, y compris le cadeau dérisoire dont on i’avoit gratifié pour Ile s Mariannes,
son malheur.
Se refusoit - on volontairement à venir au secours de sa famille ,
ou négligeoit - on par paresse d’autres devoirs, on étoit à son tour
condamné à ne pas recevoir i’assistance de ses parens dans les mêmes
circonstances, abandon qui couvroit de honte celui qui i’avoit encouru.
Les enfans d’un atchaot restoient dans cette classe dégradée jusqu’après
la réhabilitation du père, ou jusqu’à ce que quelque circonstance fortuite
vînt les en tirer. Jamais nn banni n’étoit reçu dans une peuplade
étrangère, avant qu’on se fût bien informé de ia nature et de la gravité
de sa faute; dans certains cas , il étoit impitoyablement repoussé de toute
part (i).
Tout démêlé d’individu à individu se vidoit entre eux deux; mais s’il
s’ensuivoit une rixe par trop violente, les spectateurs étoient tenus de
s’interposer pour mettre le holà : souvent même le chef du village étoit
appelé à user de son autorité; en ce cas, une simple injonction de sa
part, transmise même par un enfant, suffisoit pour séparer ies combattans
; ie refus d’obéir sans hésiter eût été puni d’un châtiment exemplaire.
Nous avons vu (pag. 3 68 ) avec quelle sévérité étoit interdite i’union ,
même passagère, d’un matoa avec une fille mangatchang; cette
rigueur avoit pour objet d’empêcher le méiange du sang de la noblesse
avec celui d’une race avilie, méiange qui, d’après les idées répandues
aux Mariannes, n’eût pas manqué de produire une fâcheuse altération
des qualités physiques et morales des hautes classes de la société.
Une manière de voir toute semblable , établie chez un grand nombre
de peuples tant anciens que modernes , ne seroit-elle que l’effet d’un
préjugé d’amour-propre, ou bien faut-il l’attribuer à l’observation de
faits plus réels qui auroient donné naissance à l’opinion des penchans
innés? Il seroit curieux d’approfondir si, comme certains auteurs l’ont
avancé, le père et la mère peuvent transmettre à leurs enfans , avec la
forme et les traits de la physionomie, les goûts, l'esprit et le caractère
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