
1819,
M ai.
Mî
de son souverain, les officiers de sa nation et de la nôtre, dans un dîner de
50 personnes. A lune des galeries du palais qui donne sur la place,
on avoit exposé le portrait de Sa Majesté, autour duquel des soldats montèrent
la garde. U Uranie prit part à la cérémonie; elle fut pavoisée, et fit
les salves d’usage.
Une chose plus extraordinaire et pius rare que toutes les fêtes du
monde, c’est la conduite du gouverneur de Goam à notre égard. Non-
seulement il refusa de recevoir nos remerciemens pour un séjour de pius
de deux mois chez lui, les attentions et les facilités de toute espèce dont
il avoit secondé nos travaux; mais lorsqu’il s’agit de lui tenir compte des
fournitures journalières faites à l’équipage de la corvette depuis notre
arrivée, et de tout ce quil avoit dépensé pour assurer le ravitaillement
du vaisseau, il ne voulut pas qu’il en fût question. Notre commissaire
aux revues, M. Requin, étant ailé, suivant la coutume, pour acquitter
cette dette, revint m’annoncer cette générosité inouïe. En vain insistai-je
pai écrit, en adressant a D. Médinilia 1 expression de notre vive reconnoissance
et de mon étonnement; cet homme incomparable me répondit
par une lettre touchante, où il s’excusoit sur la rareté des denrées, causée
par une sécheresse qui affligeoit i’île depuis six mois, de n’avoir pu faire
autant qu’il l’eût désiré. Il y joignoit les témoignages les plus aimables
de i’intérêt que lui inspiroit i’expédition, de l’estime particulière qu’iJ
vouioit bien m’accorder, et me remercioit en termes modestes de l’assurance
que je iui donnois de rendre compte au ministre de la marine
de France d’une conduite aussi généreuse et aussi utile à l’expédition
de l Uranie, conduite dont Son Excellence s’empresseroit sans doute
d’instruire le gouvernement espagnol (i). C’est un besoin pour mon coeur
de consigner ici ma profonde gratitude, et de renouveler à cet homme
bienfaisant l’expression des sentimens affectueux que je lui ai voués pour
ia vie. On conviendra que ce n’est pas trop de faire le tour du monde pour
trouver un M. Smith et un D. Médinilia.
Le 4 juin, tous mes effets m’ayant précédé à bord, je m’y rendis dans Ile s M arian n e .,
1819.
Ju in .
ie canot du gouverneur, où se trouvoient avec iu i, le major D. Lu is, le
curé d’Agagna et D. Justo de la Cruz, directeur du collège. Il étoit deux
heures et demie lorsque nous montâmes sur le navire. Mes dispositions
avoient été faites pour offrir à dîner à cette compagnie, augmentée de
l’état-major de la corvette, également invité. C’étoit mon tour de traiter;
je le fis de grand coeur : les toasts et les coups de canon, auxquels ripos-
toit un fort de l’île , marchèrent de concert. Le plaisir d’être ensemble
faisant oublier l’heure, on sortit de table trop tard pour que mes convives
quittassent le bord ; iis y couchèrent, excepté D. Luis, qui, se trouvant
là en face de sa campagne de Somaye, voisine du mouillage, alla y
passer la nuit.
Le lendemain, nous étions sous voile à neuf heures et demie du matin :
nous comptions être le même jour devant Agagna, et y remettre, en
passant, le gouverneur et sa suite: dans cette vue, il avoit gardé un
canot ; mais ie vent contraire ne permit d’exécuter ce projet que le 6 dans
la matinée. Là se firent nos adieux, et ce n’est pas sans un profond attendrissement
que nous prîmes congé de l’homme aimable qui nous avoit
comblés de tant de marques de bienveillance : j’étois trop ému pour
pouvoir lui exprimer tous ies sentimens dont mon ame etoit rempile ; mais
les larmes qui rouioient dans mes yeux ont dû être pour iui un témoignage,
plus certain que des paroles , de mon émotion et de mes regrets.
Après avoir saiué de neuf coups de canon le départ de ce digne gouverneur
, je fis aussitôt servir sous toutes voiles pour rallier la partie de
l’archipel des Mariannes, au Nord de Goam, dont nous voulions compléter
i’expioration.
§. II.
Excursion aux iles Rota et Tinian.
( i ) £ U r am e n e s l pas le seul bâtiment de guerre français q u i, depuis n ous, ait eu occasion
de profiter de la généreuse sollicitude de D . M édinilia. T o u s ces traits d’un noble dévouement
a yant été mis sous les yeux du R o i , S a Majesté a daigné accorde r à notre respectable
ami la décoration de la L égion d honneur, comme un témoignage de reconnoissance nationale.
J ’ai réservé pour ce paragraphe le récit de- ia petite expédition que
firent MM. Bérard, Gaudichaud et Arago, à bord des pirogues caroii-
noises, pour prendre une connoissance plus intime de ce que les îles Rota