
CHAPITRE XXIV.
Relâche aux îles Mariannes; excursion a Rota et h Tinian.
C e chapitre, ainsi que le titre i’indique, expose la suite de nos aventures
, tant dans l’îie principale des Mariannes, où étoit établi le centre
de nos opérations, qu’à Rota et Tinian, îies sur lesquelles nos observateurs
sont ailés remplir une mission particulière.
I.'
Séjour a Gaam ( i ).
Ce fut ie ¡7 mars 1819-, à 5 heures 3/4 du soir, que nous jetâmes
i’ancre devant ia baie d’Omata. Immédiatement après , j’expédiai à terre
( I ) P our reproduire avec plus d’exactitude les noms mariannais mentionnés dans cette histoire,
nous nous sommes décidés à désigner par un caractère particulier la diphthongue ou plutôt
la vo y e lle ou. L es Angla is expriment souvent ce son par oo, les Hollandais par o e , et presque
toutes les autres nations de l’Europe par la lettre u , q u ia chez nous un son si différent. D e cette
bizarrerie résultent de choquantes et de fréquentes équivoques : quand on voit écrit l’une à côté
de l’autre , dans un mot étrange r, les deux lettres o u , on ne sait d’abord s’il faut les considérer
comme une diphthongue ou comme deux v o y e lle s ; les F rança is, tout autant que les autre s, et
j’en fournis le premier la p reuve, s’y trompent souvent. J e prendrai pour exemple le nom propre
mariannais S o u fo d g n a , q u i, écrit avec l’orthographe espagnole , se prononcera en français
comme si ou étoit une diphthongue, tandis qu’ il faudroit réellement lire Sooupodgna; un E sp a gnol
qui verroit à son tour cette dernière orthographe liroit sans doute Soooupodgna. J ’ai voulu
éviter ces incertitudes, sans croire cependant échapper aux critiques; qui peut, en effe t, avoir
tout le monde de son a vis!
J e proscrirai donc notre u de tous les mots mariannais, parce qu’il n’existe point dans cette
langue; le signe o , qui est simplement l’assemblage des deux oo angla is, lui sera substitué, et
devra toujours se lire ou comme en fran ça is, ce comme en hollanda is, y comme en russe, enfin u
comme chez les Espagnols, les Ita lien s, les A llem and s, les D an o is , les Suédois, &.c. J ’espère
qu’on voudra bien me pardonner l’introduction de cette lettre nouvelle, si nécessaire dans notre
alphabe t, et qu e, malgré sa ressemblance, on évitera de la confondre avec Xoméga des G re c s ,
dont elle diffère essentiellement.
C e tte innovation a été amenée par le travail considérable que je prépare sur la langue
marianriaise. Peut-être eussé-je dû l’ introduire plutôt.
mon p r c a i« li.u.en .n t. M. Lamarche, pour remercier le gouverneur de 1... M .™ .» .
ses procédés obligeans à notre égard , trcaiter du salut, et annoncer que ie
lendemain à midi j’aurais l’honneur d’aller rendre visite à Son Excellence,
et de lui présenter l’état-major de / Uranie.
Le I 8 , au lever du soleil, nous saluâmes ie pavillon espagnol de
2 I coups de canon , salve qui nous fut exactement rendue; mais, à notre
grand étonnement, lorsque nous nous disposions à descendre a terre, le
gouverneur D. Médinilia y Pinéda vint lui-même à bord , accompagné du
major D. Luis de Torrès , seconde autorité de la colonie.
Ils s’informèrent de notre situation avec sollicitude, et ie promier
promit de pourvoir à tous nos besoins, autant que le lui permettroient la
pauvreté de l’île et les foibles ressources dont il dispose, nous assurant que
tout ce qu’il avoit étoit à notre service. Peu après ie départ de ces messieurs,
que je fis saluer de sept coups de canon, nous allâmes, mon etat-
major et moi, leur rendre nos devoirs. Je m’occupai sans délai ensuite
de chercher un local propre à recevoir la partie souffrante de 1 équipage.
Nous visitâmes à ce dessein un ancien couvent de Jésuites qui, occupe
plus tard par des Augustins déchaussés, étoit alors entièrement disponible.
Nos médecins l’ayant jugé très-convenable à l’établissement provisoire
d’un hôpital, il fut décidé que nos malades y seroient transportés
dès le lendemain.
D. Médinilia nous avoit tous invités à dîner avec iui. Désormais,
aVoit-il ajouté très-gracieusement, nous devions, sans nulle ceremome,
regarder sa maison comme la nôtre. Nous nous rendîmes donc chez lui a
l’heure convenable, et trouvâmes la table couverte de pâtisseries légères
et de fruits, au milieu desquels on plaça deux grands bols de pimch. A la
vue de ce service, qui nous parut étrange, plusieurs d’entre nous imaginèrent
peut-être qu’il étoit jour maigre dans le pays , e t, ce qui dut
ajoutera ces idées de mortification , c’est que ce repas, que nous croyions
être le dîner, se prenoit debout. Cependant, comme on doit se conformer
aux usages des lieux où l’on se trouve, nous ne songeâmes plus qu'à satisfaire,
aux dépens des mets qui nous étoient présentés, le bon appétit
dont’ nous nous trouvions pourvus : mais bientôt, autre sujet d’étonne-
ment ! la table débarrassée fut de nouveau couverte de toute sorte de
Voynge de TUrauU. — Historique. T . IL S