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charma autant que l’air de satisfaction du gouverneur. Faire plaisir
est en lui une passion : sa figure s’épanouissoit dès qu’il jugeoit que quelque
chose intéressoit ou amusoit quelqu’un de nous ; on peut dire exactement
qu’il jouit du bonheur des autres.
Cependant l’èpoque où devoit finir notre séjour à Goam approchoit,
et je desirois vivement, pour compléter divers renseignemens, de visiter
la ferme royale de Tachogna, au centre de l’île, dans un des sites les
plus fertiles, les plus salubres et les plus pittoresques. D. Médinilia,
MM. Lamarche, Peilion et moi, nous fîmes, à cheval, ie 22 mai,
cette petite course, qui fut prolongée jusqu à Pago, bourg de la cote
orientale de l’île.
Le premier village qui s’offrit à nos regards fut celui de Sinahagna, que
nous connoissions déjà (pl. 59 ) ; puis celui d Afamé, dont il ne reste plus
que des ruines. Presque toujours nous marchions au miiieu des bois, et
sur un soi très-propre à l’agriculture; nous rencontrions çà et là des indices
de sources qu’il seroit bien utile d’exploiter dans un pays où le
manque d’eau se fait si souvent sentir. La ferme de Tachogna fut fondée
jadis par les Jésuites comme importante exploitation agricole ; un village
du même nom étoit adjacent aux bâtimens de la ferme, construits sur un
plateau élevé. Tous les environs sont entrecoupés de vallées remarquables
par la vigueur de la végétation : dans l’une d’elles, la rivière poissonneuse
de Cascas prend naissance; et après s'etre réunie à la Sigoa, toutes deux
coulent jusqu’à la petite ville de Pago, dont elles prennent le nom, et
où elles ont leur embouchure.
Un ouragan détruisit autrefois cette ferme, qui étoit alors très-vaste;
on la rétablit telle qu’on la voit aujourd’hui (pl. 71 et 81 ). Près des
maisons restent des traces des anciens défrichés ; mais les riches cultures
ont disparu ; la seule industrie qui y subsiste est l’éducation du bétail
pour les besoins du gouvernement colonial.
Le major D. Luis , et une de ses filles , aussi aimable que jolie, nous
attendoient dans cette résidence. Nous n’y restâmes que peu de temps,
afin de profiter encore de la fraîcheur du matin pour gagner Pago. II
fallut presque continuellement suivre, à travers la forêt, un sentier étroit
çt peu fréquenté : heureusement le bon gouverneur avoit eu la précaution
d’envoyer à l’avance élaguer les branches qui auroient gêné le passage. On n« Mariannes.
trouvoit à chaque pas des vestiges d’anciens villages qui, indépendam- 1819.
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Mai.
ment de tous documens historiques, donnoient une haute idée de la population
de l’île antérieurement à ia conquête des Espagnols. Les ruines
ies plus considérables étoient celles de Fagto, Tagon, Pomod, Tmaka et
Agaan. Un bois non interrompu de vacouas s’étend de ce dernier point
jusqu’à Pago.
Là de nouveaux honneurs nous étoient préparés : nous passâmes sous
un arc de triomphe en feuillage, au son des cloches de l’église, et ne
tardâmes pas à entrer dans le palais du gouverneur, maison propre et
jolie, dont la femme de D. Luis fit les honneurs avec ia bienveillance et
ia bonté qui forment i’essence de son caractère.
Dès que la forte chaleur du jour fut tombée, nous visitâmes ia ville
et les environs, et reconnûmes d’antiques vestiges de l’opulence et des
établissemens utiles de ce iieu charmant. A côté de l’église est i’ancien
couvent des Jésuites, aujourd’hui fort délabré, et à peu de distance l’école
des garçons.
En revenant à Agagna, nous reprîmes jusqu’à Tagon le chemin que nous
avions suivi le matin; mais tirant ensuite vers ia droite, nous longeâmes
ies ruines du village de Ponhod pour repasser par Afamé et Sinahagna ;
il étoit nuit quand on entra dans la capitaie.
La longue convalescence de nos malades avoit prolongé notre relâche
bien au-delà du terme que j’avois fixé ; il étoit temps désormais de penser
sérieusement au départ. Je donnai donc, le 25 , l’ordre de transporter à
bord les hommes qui restoient à l’hôpital, les instrumens de notre observatoire,
ainsi que les nombreux objets d’histoire naturelle, et les autres
richesses qui attestoient combien l’état-major de l’Uranie avoit profite de
ce iong séjour. Le remplacement de nos provisions de campagne étoit
achevé; et quant à celui de ma table particulière, D. Médinilia avoit
voulu veiller lui-même à ce que rien n’y manquât. Il étoit difficile assurément
de montrer plus de grâce et d attentions.
Le 3 I , ou le 3 o , d’après la manière de compter à Goam , on célébra
une double solennité , la Pentecôte et la fête du roi d’Espagne, Ferdinand
VII. Toute la ville étoit en joie; le gouverneur réunit, en l’honneur
Voyage de l'Uranie. — Historique. T . II. V