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J les Mariannes. OU blessèrent plusieurs Indiens, mais n’eurent aucun mal. Deux jours
Histoire.
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après, le gouverneur de l’île [D. Damian de Esplana] vint sur une pointe
basse près du vaisseau, et envoya son embarcation avec une lettre pour
notre commandant, écrite en différentes langues. Nous répondîmes en
français que nous étions envoyés par des personnes de cette nation à la
découverte de pays inconnus. Le messager revint peu après prier notre
capitaine d’aller à terre, ce qu’il lit. Il dit au gouverneur que ce n’étoit
qu’en nous défendant que nous avions tué quelques Indiens : mais ii nous
donna la liberté de les tuer tous si nous le voulions; nous reçûmes de
lui en présent trente porcs, des légumes et des fruits, et nous iui donnâmes
six petits canons et quelques barils de poudre.
» Nous emmenâmes abord quatre de ces infidèles, les mains liées derrière
ies dos; mais à peine y étoient-iis que trois d’entre eux se jetèrent à la
mer et s’éloignèrent, en nageant les mains ainsi amarrées. L ’embarcation les
poursuivit, et nous pûmes nous convaincre qu’un homme fort n’étoit pas
capable de pénétrer leur peau d’un premier coup de sabre. L ’un d’eux
reçut quarante coups de feu sur le corps avant de mourir, et ie dernier
des trois qui fut tué avoit nagé un bon mille de distance, ayant non-seulement
les mains liées comme auparavant, mais encore ies bras enchaînés.
Alors nous fîmes ia guerre à ces insulaires, et nous descendîmes
chaque jour à terre, tirant sur tous ceux que nous apercevions, au point
que la plupart abandonnèrent l’île. Iis envoyèrent deux de leurs chefs pour
faire ia paix, mais nous refiisâmes de traiter avec eux.
» Peu après, comme on étoit ailé à terre pour pêcher, des Indiens qui
se trouvoient près de là, parurent suspects à nos gens de l’embarcation,
qui les tuèrent : un grand nombre de naturels accoururent de tout côté
au secours de leurs compagnons; mais nous les saluâmes en faisant feu
sur leur peau. »
Il est difficile de ne pas être révolté par le détail de teiies cruautés, et
par ie sang-froid avec lequel on les raconte !
Les excursions fréquentes, mais passagères, de quelques séditieux opiniâtres
, étoient les moindres maux dont avoient alors à souffrir les colons
espagnols. Autant D. Damian de Esplana avoit montré de crainte pendant
le siège, autant il faisoit paroître d’orgueil depuis que la tranquillité
Histoire.
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LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 205
étoit à-peu-près rétablie. Jaloux de la gloire que Quiroga avoit acquise Iles Mariannes
par ses importans services, et forcé de s’avouer qu’il lui devoit son propre
saiut, il crut se dégager de toute obligation en affectant de blâmer la conduite
de cet officier ; il contrarioit tous ses desseins, et le tournoit en
ridicule, tant auprès des soldats qu’auprès des naturels : conduite déloyale
et imprudente à-Ia-fois, qui, relâchant ainsi les liens de l’obéissance,
préparoit l’événement qui faillit causer la ruine de la colonie.
Le 30 mars de l’année suivante, D. Damian, qui jusque-là n’avoit remplacé
D. Antonio de Saravia que provisoirement, reçut du roi d’Espagne
sa nomination de gouverneur, avec le titre de capitaine général
des Mariannes.
Le célèbre Dampier mouilla, ie 2 1 mai, sur la côte occidentaie de
Gaam, où les naturels iui procurèrent divers rafraîchissemens; mais le
navire d’AcapuIco étant venu peu après en vue de cette îie, i’obligea,
dans la crainte d’une attaque qui eût pu n’être pas à son avantage, de
reprendre promptement ia mer.
D. Esplana quitta ies Mariannes au commencement de 16 8 8 , et
se rendit aux Philippines sous prétexte de rétabiir sa santé, mais réeiie-
ment, dit - on, pour mettre en sûreté l’argent cju’ii avoit amassé,
laissant le gouvernement par intérim de la colonie à D. Quiroga. Dès
qu’il fut parti, l’esprit d’insubordination éclata parmi les soldats. Habitués
depuis quelques années à une vie licencieuse , ils trouvèrent fort
mauvais que Quiroga voulût les ramener aux lois sévères de ia discipline
; et passant bientôt des menaces à la révolte, iis prirent les armes,
s’emparèrent de ia citadelle, et y constituèrent Quiroga prisonnier. Tout
ce que les missionnaires purent obtenir des mutins, fut qu’ils n’atten-
teroient pas à sa vie. La nouvelle de cette sédition se répandit siir-Ie-
champ dans l’île ; déjà les naturels concertoient entre eux les moyens
de ressaisir leur indépendance, et c’en étoit fait de la coionie, quand le
principal moteur de la défection, touché par les remontrances des missionnaires,
revint à résipiscence, et alla se jeter aux pieds de Quiroga,
qui lui accorda son pardon : pour prouver la sincérité de son repentir,
il travailla sur-le-champ à ramener à ieur devoir ses camarades égarés.
Le gouverneur, remis en liberté, fit arrêter le petit nombre de récalcitrans
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