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Histoire.
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202 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Iles Mariannes. s’étant rendues de cette dernière îie à Goam , y firent courir le bruit de
la mort de Quiroga et de ses compagnons ; cette nouveile consterna le
gouverneur et toute sa troupe, qui , se voyant pressés de tous côtés par
un ennemi nombreux, et sans aucune espérance de secours, crurent que
tout étoit perdu.
Quiroga vivoit à Saypan dans une ignorance complète de ce qui se
passoit; mais il ne tarda pas à se trouver attaqué lui-même , et à voir le
feu de l’insurrection couvrir tout le pays. Déjà, à Tinian, la corvette qui
l’avoit apporté venoit d’être réduite en cendres, et les dix-huit hommes
qui la montoient massacrés ; deux autres personnes le furent aussi à
Saypan : pour iui, poursuivi à I’improviste, il se vit obligé de se retirer
dans une redoute avec trente-sept hommes seulement, presque sans
vivres et sans munitions de guerre, tandis que les assaillans étoient an
nombre de huit cents. Cette position, quoique critique, ne le découragea
pas : il connoissoit le naturel des Mariannais, qui, insolens dès
qu’on leur montroit de i’hésitation , se Iaissoient facilement intimider par
nne attitude audacieuse. Il jugea donc à propos de ne pas les attendre
dans ses foibles retranchemens et d’aller à leur rencontre. Il ne tarda
pas à les mettre en fuite ; et , chose vraiment étonnante ! durant toute
cette suite d’actions longues et opiniâtres , aucun soldat espagnol ne fut
même blessé.
Par une circonstance non moins heureuse qu’imprévue, une femme
étant venue au camp de Quiroga pour y vendre quelques rafraîchissemens
, ce générai la fit arrêter, et l’obligea de le conduire ia nuit chez
quelques chefs de l’île : s’étant emparé de cinq d’entre eux pendant leur
sommeil, il enjoignit à celui qui étoit le plus considérable de porter une
lettre au gouverneur de Gaam, déclarant à cet homme qu’il garderoit
jusqu’à son retour ses quatre amis en otage, et les feroit mourir s’il ne
lui apportoit pas une réponse à sa lettre. Ce moyen réussit, et ie retour
du Saypanais ayant appris à Quiroga ia position critique dans laquelle se
trouvoit D. Damian de Esplana, il profita de la paix que l’ennemi venoit
d’être forcé de iui demander pour retourner à Gaam et voler au
secours d’Agagna. S’étant mis en route pour s’y rendre ie 2 i novembre,
lui et ses gens, après bien des difficultés, y débarquèrent le 2 3 ,
LIVRE III. — De T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 203
et furent reçus de ieurs compagnons avec une joie difficile à décrire.
Les troupes envoyées à la conciuête des îles Gani n’eurent pas un
sort si heureux. Revenant à Saypan, ies Mariannais qui avoient la
conduite des pirogues, et qui connoissoient les dispositions de leurs compatriotes
, imaginèrent de faire chavirer ces embarcations toutes a-la-fois
à un signal convenu. Sur vingt-cinq soldats espagnols , cinq ou six purent
à peine se sauver à terre : le P. Commans parvint aussi a derobei
sa vie aux flots, mais ce ne fut que pour se la voir arracher, quelques
mois plus tard, par les féroces insulaires de Saypan.
L’arrivée inattendue de Quiroga épouvanta tellement les rebelles, qu ils
abandonnèrent Agagna, et s’enfuirent de toute part dans ieurs montagnes.
Quiroga les y poursuivit, à dessein de ies assujettir ou de les détruire;
mais iis ne l’attendirent pas : un grand nombre émigrèrent dans
ies îles voisines, d’autres se retirèrent dans des cavernes dun accès difficile
, où l’on ne put de long-temps faire parvenir des paroles de
paix.
Iles Mariannes.
L’insurrection, quoique privée ainsi d’un centre commun, étoit toujours
flagrante sur piusieurs points de i’île, iorsque le capitaine John Eaton, chef
de boucaniers, aborda à Goam. Les habitans crurent d abord que son
vaisseau étoit le gaiion qui se rend annuellement du Mexique à Manille,
et craignirent qu’apportant denouveiies troupes, il ne fournît au gouverneur
les moyens de les punir de leur révolte. Bientôt détrompés à cet
égard, iis ne furent cependant pas traités avec moins de cruauté par les
Anglais qu’ils n’eussent pu l’être par l’ennemi le plus acharné et le plus
impitoyable; on en jugera par le récit même de Cowiey, compagnon
d’Eaton.
« Le dimanche i 5 mars, dit-il ( i ), étant à 1 ancre devant Goam,
nous descendîmes à terre, et nous abattîmes des cocotiers pour en avoir
plus facilement ies fruits. Nous commerçâmes librement avec les Indiens
jusqu’au 17 au matin, où quelques gens de l’équipage étant ailés dans
l’île basse à l’Ouest de Goam [l’île Daneono, pl. 59], furent assaillis à
coups de pierres et de lances. Les nôtres firent quelques décharges , tuèrent
Histoire.
1684 (suite).
( I ) Voyez Burney’s a Chronogical H is to r y , i f c , t. I I I et IV . c e