
Iles Mariannes. et, dès cet instant, le prétendu étoit obligé de fournir à l’entretien de
D e Thomme
en société.
son accordée. Celui que son indigence empêchoit de remplir ce devoir,
s’engageoit à servir chez elle comme domestique (i) , jusqu’à 1 instant
du mariage, qui ne se faisoit jamais sur-ie-champ. C ’étoit encore là un
temps d’épreuve. S’il étoit cuitivateur, on s’informoit de l’importance de
ses champs et de ses récoites, des travaux qu’il étoit capabie d’exécuter
seul, &c. Le pêcheur devoit montrer , en présence de sa prétendue, son
habileté à la pêche, son adresse à manoeuvrer un pros (2). Si les résultats
de ia nouveile enquête se trouvoient favorables, le mariage étoit
une affaire arrêtée ; ii ne s’agissoit pius que de débattre à qui des deux
familles feroit les frais de la noce : nous supposerons, dans ce qui va
suivre, que c’étoit celie du prétendu.
D’abord, on prenoit le temps nécessaire pour se procurer ie riz, le
poisson et les autres denrées qui devoient être consommées à la fête;
après quoi i’on fixoit i’instant précis où l’union auroit iieu. Trois ou
quatre jours avant, les deux familles réunies s’occupoient à battre et
à nettoyer ieur provision de riz, accrue de celui que les gens de ia noce
avoient envoyé en cadeau, et qui consistoit ordinairement en un kotad (3)
pour chacun. Ces préparatifs terminés, les parens chez qui la noce se
céiébroit faisoient circuler le bétei, et mettoient en même temps à tremper,
dans les mortiers où i’on nettoie ie riz , une certaine quantité de ce
grain : dès qu’il étoit suffisamment imbibé, on le piloit avec soin, en y
ajoutant de la puipe de coco ; on obtenoit ainsi une pâte épaisse dont
on formoit autant de boulettes qu’il y avoit de convives présens : ceux-ci
délayoient chacun leur portion avec l’eau d’un jeune coco [manha], dans
de petits mortiers de bois destinés à cet usage , ce qui leur donnoit un
( I ) On sait que J a c o b , pour obtenir en mariage L ia et R a ch e l de leur père L a b a n , resta
plusieurs années à son service.
( 2 ) V o ic i en quoi consistoit ce devoir : faire chavirer le pros qu’ il conduisoit , le redresser,
remettre le mât et la voile en p la c e , et continuer à faire ro u te , tout en vidant Teau dont
Tembarcation étoit remplie. Ce s manoeuvres devoient être faites sans aucune aide étrangère.
M a is ce qui étoit beaucoup pius difficile et recevoit toujours les applaudissemens des spectateu
r s , c’éioit de naviguer pendant un laps de temps considérable , en tenant le litcha ou
balancier du navire à deux ou trois pieds hors de Teau.
(3 ) Gran d vase ou panier ca rré, tissé en vacoua (pl. 79 , fig. 9 ) , dont il a déjà été question
( p . 3 1 7 ) ; nous en ferons connoître ailleurs la capacité.
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 387
brouet clair appelé laalaa, dont ils se régaloient avec plaisir (i); on étoit
libre, au reste, d’emporter sa bouie de riz chez soi.
La veille du mariage , ies parens des futurs époux s’empressoient de
préparer tout ce qui étoit nécessaire à ia solennité du jour. Les femmes
faisoient cuire des fruits de rima et de dtsgdog, des racines féculentes, du
poisson, &c. &c. ; ies hommes , chargés de bois à brûler, de pièces de
charpente et Ehigdis ( 2 ) , venoient construire un édifice pour mettre à
couvert les personnes conviées, et dresser des cuisines pour ies apprêts
du festin. Les femmes leur offroient ensuite ie bétel et le laffllaa.
Pendant la nuit qui précédoit ia noce, les deux familles se réunissoient
encore pour transporter le tchintchali chez la mère du prétendu. On
nomme ainsi un cadeau composé de racines féculentes, de rima, de
bananes, de riz, de poissons, de sei, de bétel, &c. Les amis devoient
aussi fournir leur tchintchali.
Dans la soirée, on avoit fait circuler de nouveau ie bétel et servi le
souper; mais, pour débarrasser plus rapidement ia maison, et donner à
ia personne qui en faisoit ies honneurs la facilité d’accueillir tous ceux
qui se présentaient, on permettoit à chacun d’emporter son souper. Ces
allées et venues duroient ordinairement toute la nuit, au milieu des
danses et des jeux.
Au point du jour, les parens du prétendu , après avoir laissé chez la
mère de celui-ci le petit nombre d’individus préposés aux préparatifs
du dîner, se rendoient en cérémonie dans la maison de la jeune fille :
là on ieur présentoit sur-le-champ le bétel ; et c’étoit alors que ia nouvelle
épouse étoit remise entre les mains de son mari. On procédoit ensuite
au déjeûner. Le couvert, comme de coutume, étoit dressé sur une
natte de trois pieds de largeur et d’une longueur proportionnée aux dimensions
de l’appartement ; ies mets étoient servis en autant de portions
qu’il pouvoit s’y ranger de convives : les parentes du marié, appelées ies
premières à y prendre place , se rangeoient dans l’ordre de préséance que
ies degrés de famille leur assignoient; les hommes s’y installoient ensuite,
en observant le même ordre. Chacun se hâtoit de faire honneur au repas,
( I ) Voyei pag. 303 et 304.
( 2 ) U h ig a i est un tissu en feuilles de pa lmie r, qui sert à cou vrir les toitures.
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D e l’homme
en société.