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286 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Ile s Mariannes. ment aiissi simple. Enfin il avoit été obligé d’avoir recours aux voies
D e 1 homme coërcitives : ainsi il étoit enjoint au iépreux de se séparer de sa femme
comme individu, •' ^ r
jusqu’à parfaite guérison ; toute personne affectée de ce mal repoussant
étoit menacée de se voir reléguer dans quelque île voisine, si elle ne
se soumettoit pas à un pansement suivi avec persévérance. Soins inutiles
! l’insouciance a prévalu, et les lépreux continuent de vivre avec
leur ennemi.
» Pendant notre séjour à Gaam , voulant constater moi-même la vertu
de la plante ou piutôt de l’arbuste d’AcapuIco ( c’est ainsi qu’on nomme
le cassia alata ) , et voir si le soufre, seul médicament approprié que je
possédasse, pouvoit être employé efficacement, je priai le gouverneur-de
mettre à ma disposition deux hommes attaqués d’ichthyose sur quelques
parties du corps seulement, afin de les traiter par deux méthodes différentes
: ses ordres ne furent qu’à demi exécutés ; je ne pus avoir qu’un
seul individu. Celui-ci suivit le traitement avec constance, parce qu’il
avoit la ferme volonté de guérir; tandis que d’autres, qui se présentèrent
ensuite, vinrent pendant quelques jours, puis cessèrent leurs visites, et
ne firent presque rien de ce que je leur avois ordonné.
» L’homme sujet de mon observation étoit âgé d’environ trente ans,
de grande taille, fort et vigoureux ; il avoit des écailles sur toute la région
épigastrique, en remontant vers ia poitrine, et à la partie extérieure
de la jambe gauche, sur laquelle je dirigeai tous mes soins, parce qu’il
étoit plus facile d’y appliquer les médicamens. Après plusieurs bains de
rivière et des iotions iocales d’eau tiède, je lui prescrivis de se frictionner
( i) avec un mélange d’huile de coco et de soufre, dont la dose
étoit d’environ deux gros , le soir et le matin ; chaque jour, après le bain,
ii répétoit ces frictions. Au bout d’un mois de ce traitement ponctuellement
suivi, les écailles disparurent en partie ; mais les taches , qui
en sont le symptôme et le principe, subsistèrent ; c’étoit un indice
que les écailles reparoîtroient dès qu’on auroit cessé ies lotions répétées
auxquelles seules elles avoient cédé. Mon intention avoit été aussi d’administrer
au malade le soufre à l’intérieur; mais d’autres occupations et
( i ) J e hasarde ici une réflexion que les médecins instruits des phénomènes du magnétisme
animal pourront examiner : Est-il égal de se fa ir e fric tion n er ou de se fric tion n er soï-mhme\
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 287
divers voyages de plusieurs jours que je fis dans i’île m’en empêchèrent.
Comme ie temps de notre départ approchoit, et que cet homme étoit
le seul dont je pusse garantir l’exactitude, je suspendis le premier re mède
pour vérifier les vertus de la plante d’Acainilco. Pendant quinze à
vingt jours, il se frotta matin et soir avec une poignée de feuiiles nouvellement
cueillies ; il y mettoit même tant d’ardeur qu’il s’enlevoit des
portions d’épiderme. Ce nouveau moyen ne produisit pas plus d’effet
que i’autre, et j’eus le déplaisir de ne pouvoir guérir ce jeune homme,
qui avoit fait preuve de tant de patience et d’assiduité. Quelques jours
avant de me séparer de lu i, j’avois cessé tout remède, pour voir en quel
état seroient la poitrine et la jambe : il n’y avoit pius d’écailles dans les
endroits qui avoient été bien frictionnés ; mais une couleur brune, fond
sur lequel elles s’élèvent, indiquoit quelles ne tarderoient pas à reparoître.
» Voilà ce que j’ai vu. Cette observation imparfaite est, je i’avoue, bien
loin d’être concluante; et quoique, avant d’employer le végétal dont ii
vient d’être question , je doutasse un peu de tout ce qu’on m’en disoit,
j ’étois bien aise de vérifier ce qu’il pouvoit produire dans le temps qu’on
m’avoit indiqué ; peut-être, à la longue, auroit-il agi pius efficacement.
II en eût été de même du soufre : d’ailleurs ia manière dont je l’administrai
n’est probablement pas celle qui convient le mieux, et je suis
porté à croire que, réduit en vapeur, il agiroit avec beaucoup pius d’efficacité!
Enfin , il est une foule d’autres préparations qu’on pourroit tenter
avec quelque apparence de succès. Ce que j’ai fait prouve seulement
mon désir de découvrir le mode curatif ie pius sûr; car un des devoirs
imposés au médecin navigateur est de répandre les bienfaits de son art
parmi les peuples qn’il visite.
» Certes, d’après ies écrits des philosophes de cabinet, nous ne nous
attendions guère à trouver tant de maux divers chez ces peuples, naguère
encore enfans, comme ils ie disent, de la simple nature. Eux aussi ont une
large part dans les misères de l’espèce humaine; et depuis le Timorien
jusqu’à l’habitant nu des Carolines, nous les avons tous vus implorer les
secours de la médecine. A Gaam, en particulier, chaque jour une fouie
de malades venoient successivement étaler à nos regards leurs infirmités ,
D e l’homme
comme individu.