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. A
lie s Mariannes.
Histoire.
1 7 1 0 (suite).
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2 14 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
les concussions , tous ies abus de pouvoir, dont Pimente! se rendit
coupable par son insatiable rapacité ; il suffira de dire quelles déterminèrent
les officiers de la garnison, ies ecclésiastiques et autres principaux
habitans de l’île , à se réunir et à porter contre lui, en 1 7 1 2 , des
plaintes plus amères encore que celles dont ie P. Texada s’étoit déjà
rendu i’interprète. Cependant, nous le répétons, les ordonnances royales
étoient remplies de dispositions généreuses prises en faveur des Indiens ,
et contrastaient de la manière la plus frappante avec la grande sévérité,
le raffinement de fiscalité, de barbarie et de despotisme du gouverneur.
Ainsi gémissoient sous un régime vexatoire ia plupart des colonies espagnoles
, soumises en apparence aux réglemens les plus doux et les pius
paternels !
Les soldats eux-mêmes n’avoient pas moins à souffrir des excès de
D. Pimentel : ils l’accusoient d’avoir vendu pour son compte particulier,
non-seulement les vivres et ies vêtemens qui leur appartenoient, mais encore
un grand nombre d’objets destinés à ia défense de l’îie, tels que fusils,
carabines, sabres, épées et autres armes ; d’avoir, à l’occasion de la fête
de ia Conception, pour iaquelle il n’avoit fait aucune dépense, porté sur
ses comptes une somme de 400 piastres ; d’avoir retenu une partie de ieur
soide, en renvoyant de vieux soldats, pour mettre à ieur place ses domestiques;
enfin, de devoir à la garnison 30000 piastres; &c. &c.
On sera peu étonné, d’après ce qui précède, qu’une aussi vicieuse administration
ait donné les déplorabies résultats consignés dans ia relation
du voyage de le Gentil de la Barbinais, premier Français qui ait abordé
à Goam. Ce navigateur alla y rejoindre, au mois de mai 1 7 1 6 , trois
vaisseaux partis avec lui de France pour le Pérou. II nous peint la
coionie dans un état pénible de soufîfance, en proie aux vois, aux
assassinats, maux qui proclament une absence totale de police ; les
naturels gémissant sous la pius dure oppression, abattus au physique
et au moral, rongés par la lèpre, et succombant de jour en jour sous
les mauvais traitemens : « au point, dit-ii ( i ) , que leur nombre, qui,
» lors de ia conquête entière des îles, étoit de 15 000 à 2 0 0 0 0 , se
( ] ) Voyage autour du monde, par le Gentil de la Barbinais , et H is to ire générale des voyages.
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 2 15
.. trouvoit réduit, en 1 7 1 6 , c’est-à-dire dix-huit ans après , à i 500 habi-
» tans ( I ). »
La cour d’Espagne ne put refuser la justice que réclamoient si haute-
tement les doléances des principaux colons des Mariannes , et eiie
ordonna ia mise en jugement de l’indigne gouverneur ; mais Pimentel
s’étoit procuré des richesses par ses rapines, et ses rapines furent rachetées
par ses richesses. Tout ce que les Mariannais y gagnèrent, et c’étoit
beaucoup, fut d’en être débarrassés ; D. Luis Antonio Sanchez y Tagle
iui succéda en 17 20.
Il gouv'ernoit depuis un an, lorsque I Anglais Ciipperton (2) , faisant
route pour ia Chine, toucha a Goam, le i 3 mai : il avoit à boid
un Espagnol, ie marquis de ia Vieille - Roche, qu’ii avoit fait son
prisonnier , et qui, sur la promesse que fit D. Tagle de payer sa rançon ,
eut la liberté d’ailer à terre ; mais quand il y fu t, ie gouverneur, pour
éluder sa paroie, réclama de Ciipperton des bijoux et d’autres objets précieux,
volés, prétendoit-ii, au marquis. Comprenant bien qu’ii n’obtiendroit
rien par ia douceur, le capitaine anglais leva i’ancre, résolu de se rendre
maître d’un navire espagnol mouillé près de la côte. Mais son vaisseau
échoua sur un banc; et iorsque, après plusieurs heures de travail, pendant
lesquelles l’artillerie ennemie lui tua quelques hommes, il fut parvenu à
se tirer de cette position fâcheuse, il jugea à propos de continuer sa
route.
Cette même année, deux pirogues carolinoises, les premières qu’on eût
vues aux Mariannes depuis que les Européens y étoient établis, arrivèrent
à Goam, l’une à Tarofofo , i’autre à Oroté. Les détails intéressans qu’elles
fournirent aux missionnaires sur l’îie Farroïlep, d’où elles étoient parties ,
( I ) L es états officiels de p o p u la tion , que je rapporterai a illeu r s , ne sont point entièrement
d’accord avec ce que la B arbina is dit ici. A la v é r ité , nous ne savons pas à combien le nombre
des habitans se montoit lors de la conquête complète de ces îles par les E sp a gn o ls , et je v eu x
bien admettre qu’elle ait été de 15 0 00 am e s , ainsi que cet auteur l’ in diqu e; mais nous avons
de fortes raisons de croire qu’en 1 7 1 6 elle étoit d ép lu s de i 500. E n e ffe t , le premier recensement
régulier des indigènes , fait en 1 7 1 0 , donne pour G o am 3 0 7 2 am e s , et 467 pour R o t a ,
formant en tout 3 5 3 9 ; car alors T in ia n étoit aussi dé jà dépeuplée. E n 1 7 2 2 , la population
générale des insulaires se trouvoit réduite à i 9 36 ames ; or il n’est pas probable qu’elle eût été
moindre en 1 7 1 6 , c’ est-à-dire sept ans auparavant.
(2 ) Voyage de Ciipperton et de Shelvocke, dans B u rn e y , t. IV .
Iles Mariannes.
Histoire.
1 7 1 6 (suite ).
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