
Histoire.
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lie s Mariannes. Tinian. les chefs de cette île s’assemblèrent en tumulte , et ieur foiblesse
ne leur permettant pas de résister, ils se firent un mérite de la soumission.
Selon eux, les actes d’hostilité auxquels ils s’étoient livrés étoient uniquement
dus aux perfides suggestions des Saypanais , et non à leur haine
contre ies Espagnols, avec lesquels au contraire iis desiroient vivre en
bonne intelligence. Quiroga n’ayant point d’autre but que de voir la
tranquillité solidement établie, écouta les propositions qui lui furent
faites par un insulaire, l’un des plus fidèles amis des Espagnols , et ia
paix fut aussitôt conclue. Comme preuve de dévouement et de bonne
foi, les Timanais offrirent de joindre un certain nombre de pros à la
flotte de Quiroga, proposition qui fut acceptée avec joie.
Cette armée formidable ne tarda pas à paroître devant Saypan , et
d entrer dans le port. Les naturels firent de grands efforts pour empêcher
ie débarquement ; mais l’intrépide commandant, soutenu par nn feu bien
nourri de mousqueterie, étant sauté à terre le pistolet à la main , et
ayant tué un des principaux ennemis, le désordre se mit parmi les Indiens,
qui s’enfuirent épouvantés. Après cette victoire, les Espagnols
brûlèrent plusieurs bourgades, et particulièrement Arayao (i), où demen-
roit Radahao, i’un des chefs les plus acharnés contre eux : celui-ci, ne
pouvant résister à des forces aussi redoutables , se sauva aux îles Gani (2);
les autres insuiaires se soumirent. Dès-lors Quiroga se détermina à rendre
Saypan le centre de ses opérations futures, et à y bâtir un fort. Pour
poursuivre enfin la conquête du reste de l’archipei, il fit remettre en mer
une partie de son escadrille ; mais les habitans des îles où l’on aborda
ayant entendu parler des succès récens des Espagnols, se rendirent sans
coup férir.
Tout alors paroissoit tranquiile dans le gouvernement des Mariannes,
et déjà le zèle des missionnaires se proposoit de nouvelles découvertes an
Sud de ces îies , quand l’infidélité et la révolte des Goamois les obli-
( I ) Nous n’avons pu connoître la positron exacte de ce village saypanais, ni par conséquent
le marquer suy notre carte ; il n’est pas douteux cependant que son gisement ne fût sur la côte
orientale de l’île.
( 2 ) On appeloit collectivement autrefois du nom de G a n i, toutes les îles mariannaises qui
sont au N o rd de Saypan.
Histoire.
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LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 1 9 9
gèrent à tout suspendre. L’assujettissement des îies Gani fut une des prin- lies Mariannes.
cipaies causes de ces troubles : quelques chefs de Goam, en effet, ne
supportoient qu’avec peine l’ordre de choses qu’on venoit d’établir;
néanmoins ils prenoient patience, dans l’espoir qu’une occasion favorable
leur permettroit un jour de s’affranchir d’une telle servitude. En leur enlevant
les îies Gani, c’étoit leur fermer le plus facile point de retraite
qu’ils eussent en cas d’échec. Ces pensées agitèrent les esprits : mais
personne ne porta avec plus d’ardeur ses compatriotes à secouer le joug
que D. Antonio Djoda ( i ) , chef du village d’Aporgoan ; selon lui,
l’absence de la pius grande partie des troupes espagnoles garantis-
soit la réussite d’une si noble entreprise : c’est ce qu’il s’attacha à
leur faire comprendre par le discours suivant, dont le texte, en langue
mariannaise , donnera à -ia -fo is un échantillon de ce singulier idiome
et de la logique des habitans ; nous l’accompagnerons d’une version
interlinéaire, suffisante, à ce qu’il nous semble, pour en expliquer le sens.
P ïg o naï hayan sa manmatchagaa
A présent ( i l est temps de (2) ) donner le coup mortel, parce que sont séparés
i ghilago. Manaïgffli goini iig a (3 ) tano i manmaolrg
les étrangers. Sont absens de ce pays les [qui) se portent bien
nga
ta o ta o , adjii ha magnaga dja A g agn a i manaïladji ,
hommes, là seulement sont demeurés à Agagna les inutiles,
djan i manmalango. T i mapod ngo ta
et les souffrans. P a s difflcile pour nous
ta fon a s ; goin ta na haUman
nous délivrer : si nous fa ir e mauvais profit ( du
hffilat larm ona, djan o ha tchighit
sosso
attaquer
pago.
présent,
devoir vaincre p lu s ta rd , et eux devoir étroitement serrer
gnegneting
infirmes
djan
l ’ennemi ) et
ti o ( 4 )
pa s
hit
nous [ Us nous
ta
nous
( I ) L e Gobien et quelques autres ont écrit Y u r a ; cette incorrection m’a été expressément
signalée à Goam par des personnes fort instruites de Thistoire du pays.
{ 2 ) L es mors ou phrases entre parenthèses, sous-entendus en mariannais, sont ajoutés au
français pour compléter le sens; ceux entre crochets ont pour but d’éclaircir une expression
qui précède.
( 3 ) particule co n jo n c tiv e , inconnue en fran ç a is, servant à j i e r le pronom démonst
ra tif avec le nom, le sujet avec l’attribut, & c .
( 4 ) O , signe du fu tu r, dont nous n’avons aucun équivalent dans notre lan gu e ; on a cherché
à le rendre ici par le mot devoir, placé en avant du verbe.