
lies Mariannes.
Histoire.
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Pleins de confiance dans ieur nombre , deux mille Mariannais attaquèrent
enfin , le i i septembre, les retranchemens des Espagnols. Animés
par Choco, qui combattoit à leur tête , ils soutinrent d’abord, sans se rebuter
, ia résistance des assiégés ; depuis huit jours consécutifs ils renou-
veloient leurs assauts sans pouvoir emporter la place, quand , eifrayés
des pertes nombreuses que ces combats à découvert leur faisoient éprouver
, ils se ralentirent un instant pour chercher ies moyens de se garantir
de l’effet destructeur des armes à feu. A cet effet, Choco fit construire
des espèces de grands boucliers emboîtés sur un socle mobile, à
l’abri desquels ils pouvoient lancer leurs traits : mais ce qui déconcerta
toutes ieurs mesures, ce furent les sorties vigoureuses durant lesquelles
les assiégés leur détruisoient beaucoup de monde. Persuadés par les makahnas
que leurs antis les rendroient invulnérables, ils placèrent devant
eux les têtes et les autres ossemens de leurs ancêtres, puis s’avancèrent
avec une nouvelle ardeur; malheureusement, et à leur grande surprise,
une décharge de mousqueterie vint leur prouver que de tels préservatifs
étoient impuissans pour arrêter les balles.
Tous ces avantages n’empêchoient pas la situation des Espagnols d’être
extrêmement critique. Enfermés par une palissade construite à la hâte,
obligés de se tenir constamment sur pied pour résister aux assauts de
nuit et de jour que leur livroit un ennemi actif et nombreux, ils étoient
horriblement fatigués : leur courage cependant et leur constance se soutenoient
encore.
Un des principaux désirs des assiégeans étoit d’arriver à détruire i’église,
renfermée dans les retranchemens; et c’est pour cela que de toute part
ilsTançoient, quoique inutilement, des brandons enflammés. Ce que
n’avoient pu accomplir leurs efforts réunis, un ouragan en vint à bout
en un cün d’oeil : il renversa, non-seulement l’église et la maison des missionnaires,
mais encore toutes les maisons de l’île. Cet événement ranima
les espérances de l’ennemi, et lui fit prendre la résolution de donner un
assaut général; les Espagnols, toujours sur ieurs gardes, ies reçurent avec
tant de résolution et tant d’ordre, qu’ils leur tuèrent un grand nombre
d’hommes; échec qui les détermina à envoyer dès le lendemain deux
députés pour offrir leur soumission. Ces hommes étoient des créatures
d’Harao, qui acceptèrent toutes les conditions qu’on voulut leur pies- lie s Mariannes,
Histoire,
crire, n’insistant que sur la mise en liberté de leur ami. Cette extrême
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condescendance inspira des doutes au gouverneur sur ia sincérité de leurs
promesses, et, sans les pressantes sollicitations du P. Sanvitores, il eut
refusé de conclure sur-le-champ. En effet, ses pressentimens ne le trom-
poient point; car à peine la paix étoit rétablie, qu’Harao se remit a la tete
de ia conjuration et excita de nouveau ses compagnons à la révolte.
On ne tarda pas à voir reparoître une armée ennemie, non-seulement
plus nombreuse qu’auparavant, mais encore animée de plus de rage et de
fureur. Résolus d’emporter le retranchement de vive force, les Mariannais
continuèrent leur attaque pendant treize jours et treize nuits, en poussant
des cris épouvantables. Les Espagnols ne pouvant qu’à peine résister
au service continuel et pénible qu’ii leur falloit faire, pensèrent devoir
mettre fin à cette guerre par un coup d’éclat. Ils préparèrent en conséquence
une sortie générale contre les assiégeans : elle fut si^ bien combinée
et conduite avec tant d’intrépidité, qu’ils mirent l’ennemi en
déroute, iui tuèrent beaucoup de monde, et ie forcèrent enfin à se soumettre.
Dès ie jour même, 21 octobre, un certain Kipoha, parent du
Mariannais de ce nom qui avoit si favorablement accueilli les Espagnols
à leur arrivée, fut envoyé pour écouter les conditions du vainqueur;
eiles furent modérées; la seule obligation à laquelle on voulut astreindre
ses compatriotes, ce fut d’assister tous les dimanches et fêtes à la messe,
ainsi qu’à l’explication de la doctrine chrétienne, et d’envoyer exactement
leurs enfans au catéchisme.
La tranquillité ainsi rétablie, le P. Sanvitores travailla à réparer les
maux causés par la guerre, à raffermir la foi ébranlée, à exciter enfin,
autant par son exemple que par ses exhortations, les autres religieux à
redoubler d’activité et de zèie.
Le P. Lopez partit pour les îles Agffligan, Saypan et Tinian, qui
n’avoient pas été visitées depuis le martyre du P. Médina, et eut la satisfaction
d’établir sans empêchement à Sfflnharom, capitale de cette dernière
île. un séminaire de garçons, semblable à celui d’Agagna. Diverses
permutations eurent lieu entre les missionnaires pour la direction des nouvelles
églises, et le P. Sanvitores continua à se réserver la paroisse de