
. iSiq. verons : eiie appartient aux Carolines. A deux heures après midi, dès que
nous fûmes à portée d’être vus, plusieurs pirogues partirent de terre, et
aux Mariannes, se dirigèrent Vers nous; on en compta d’abord sept, puis neuf, enfin
douze. Courant à contre-bord, elles nous eurent bientôt joints, et ia
plupart vinrent se mettre à notre remorque : dès-lors un commerce très-
actif, et sur-tout fort bruyant, s’établit avec ies insulaires qui les montoient,
sans qu’aucun d’eux cependant se décidât à venir sur notre vaisseau.
Nous fûmes long-temps à admirer la beauté de ces hommes, la perfection
étonnante de leurs embarcations et l’habileté avec laquelle iis
les manoeuvrent , preuves irrécusabies de leur adresse, de leur intelligence;
toutefois nous n’avons pas reconnu cette incroyable céiérité des
pirogues carolinoises , si vantée par d’autres navigateurs. Secondés par
un vent modéré et uhe très-belle mer, nous filions trois noeuds, tandis
que la plupart de ces pirogues ne pouvoient nous suivre qu’en joignant
à ia voile les efforts de la pagaie. Il y en avoit de plusieurs dimensions,
cependant toutes étoient construites sur le même modèle.
Les naturels nous invitèrent par signes à nous approcher de leur île ;
mais lorsqu’ils virent que tei n’étoit pas notre dessein , iis furent les premiers
à nous proposer quelques échanges. Ce qu’ils vouioient sur-tout,
c’étoit du fer, qu’ils désignoient en nous répétant sans cesse loulou, loulou,
mot mariannais que nous n’entendions point encore, mais que nous devinâmes
bientôt àieurs gestes. Iis nous offrirent des nattes fort bien tissées
en fil de bananier, dont les pins estimées par eux étoient teintes en jaune ;
elles différoient en forme et en grandeur; des chapeaux coniques en feuilles
de palmier, des coffrets et des vases en bois ; e t , ce qui étoit d’un pius
grand prix pour nous, des poissons récemment pêcliés, et quelques
cocos qui, après nos misères, furent aussi agréables qu’utiies à nos
malades.
Bien différens des peuples que nous venions de visiter, les Carolinois
mettoient dans leurs échanges une bonne foi vraiment touchante : jamais
iis ne faisoient difficulté d’envoyer les premiers à bord les objets qn’ils
nous proposoient, et si, pour un couteau que nous leur offrions, nous ne
trouvions pas qu’ils nous eussent donné assez, iis s’empressoient d’y
ajouter quelque chose. Nous ne nous sommes point aperçus qu’aucun
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 7 1
d’eux fût voleur; aussi leplus grand ordre régna-t-il dans tous nos marchés. ’ ^19.
Un de nous ayant envoyé dans une de ieurs pirogues un flageolet, dont
il avoit montré l’usage, l’insulaire qui ie reçut parvint à en tirer un son, et aux Marianne:
en fut si enchanté, qu’il poussa de longs et bruyans éclats de rire,
auxquels ses compatriotes firent largement chorus.
Voici un fait qui pourra faire juger de leur intelligence. Lorsque nous
eûmes dépassé le- travers de Poulousouk, et quoique nous en fussions à
plus d’une lieue, nous aperçûmes le fond au-dessous de la corvette, ce
qui donna de l’inquiétude à plusieurs d’entre nous. Un Carolinois 1 ayant
remarqué , et en ayant deviné la cause, paria d’abord avec beaucoup
de vivacité; mais voyant qu’il ne se faisoit pas assez bien entendre, il
nous montra du doigt le fond de la mer, puis indiquant par un signe
négatif que notre vaisseau n’avoit rien à craindre, il étendit les bras, et
compta ensuite sur ses doigts deux fois dix, pour nous expliquer que
nous avions au-dessous de nous 20 brasses d’eau; craignant encore de
ne pas être compris, il répéta ie signe par lequel il indiquoit une
brasse, feignit de tirer une corde de i’eau, et désigna de nouveau le
nombre 20, en comptant les dix doigts de ses mains et ceux de ses
pieds. La sonde jetée à cet instant ne rapporta toutefois que dix brasses;
mais un instant après nous en eûmes 20, puis 2 5 , et enfin 30. Les pirogues,
qui déjà avoient commencé à nous quitter, achevèrent alors de
défiler vers la terre.
Le I 5 , nous vîmes plusieurs autres îles du même archipel : Pou-
loLihot, A le t, Tamatam, Ollap, Fanadik, et une dernière fort éloignée,
dont nous ne pûmes savoir le nom. Bientôt on aperçut à l’horizon
une quinzaine de pirogues, parfaitement semblables à celies de la
veille, mais dont la moitié seulement nous atteignit; des amarres leur
furent données, et nous les prîmes à notre remorque: quelques-unes,
meilleures voilières, nous suivirent sur les côtés; une seule put nous devancer,
et s’amusa à naviguer devant nous en passant d’un côté à l’autre.
« Plusieurs des naturels grimpèrent à bord avec une surprenante agilité
, et y montrèrent une confiance et une gaieté qui nous firent croire
que leurs communications avec les Européens doivent être fréquentes.
L’aspect de quelques boulets de canon , qu’on vint à déranger par hasard ,