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Iles des Papous, de lames tranchantes, dont la surface est criblée de petits trous par l’ac-
G é olo g ie . tion des eaux pluviales ; mais un examen plus attentif démontre que cette
apparente solution de continuité n’est que superficielle. Nous avons
constaté qu’au sommet de la colline située au Nord-Est de l’observatoire,
les couches plongent de y f vers le N. j N. E. ( i ).
En parcourant l’île dans le sens de sa largeur , ia roche se montra
toujours identique, et rendit constamment notre marche très-difficile.
L’impossibilité de poser le pied à plat sur ses lames aiguës et fragiles,
occasionnoit souvent des chutes douloureuses. Par-tout cependant la
végétation étoit si belle, que de loin on n’auroit pu s’empêcher de croire
que le soi étoit fort riche et très-substantiel.
Parvenus enfin aux limites de la côte septentrionaie, nous nous assîmes
un instant sur le sommet escarpé de quelques rochers qui se projettent
au-dessus d’une petite anse sabionneuse. La mer se développoit devant
nous; et quoiqu’il fit à-peu-près caime, ia houle, près du bord, étoit
si forte, les lames s’y brisoient avec tant de fracas, que la base de ces
rochers, minée par des chocs répétés sans cesse, n’offroit pas une voûte
de moins de 25 pieds de profondeur horizontale, sur une hauteur perpendiculaire
de I 5 pieds environ au-dessus du niveau moyen de la mer.
On conçoit que de telles excavations donnent iieu à d’horribles ébouiemens,
A l’exception de quelcpes coraux qui, sur ia limite de la plage de
sable, s’avancent à peine à une ou deux encablures , on peut dire que la
partie septentrionaie de Rawak est fort escarpée. Malheur aux vaisseaux
qui seroient jetés sur cette côte 1 tout y périroit, corps et biens.
En quittant ce lieu, nous nous acheminâmes vers un mamelon qui
s’élevoit dans le voisinage, et sur lequel nous avions dessein de monter.
Des roches de la même nature que celles qui avoient déjà attiré notre
attention, et dont l’apparente disjonction étoit peut-être plus prononcée
encore, se montroient par-tout sur la route. Frappées doucement avec
un marteau, leurs lames tranchantes rendoient un son semblable à celui
d’un vase de faïence. Là aussi, malgré l’absence totale d’humus, des
arbres de toute grandeur formoient une forêt aussi belle que singulière.
( I ) M . Gaudichaud a estimé l’ inclinaison des couches de roches vers cette partie de l’ile
de 75 à 80 degrés.
LIVRE III. — De T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 39
On eût pu croire qu’entre leurs troncs, des pierres avoient été amoncelées lie s des Papou
sur le soi le plus fertile , si la disposition des racines n’eût fait assez Géologie,
apercevoir tjue ces végétaux tiroient leur nourriture du sein de la roche
même.
Cependant nous cherchions à fixer d’une manière précise l’inclinaison
des couches ; mais nous n’avions encore devant les yeux que des blocs
entassés sans ordre : peut-être sont-ce les racines des arbres elles mêmes
cjui, en grossissant, contribuent à ce bouleversement. Arrivé sur la crête
de la montagne, on put enfin reconnoître la direction que ces couches
affectent: l’inclinaison nous parut être de 80°; mais cette détermination
n’est pas très-exacte. L’angle plongeoit au reste vers le N. O. ~ O.
M. Gabert ayant examiné particulièrement le cap Sud-Ouest de
Rawak, jugea que les excavations du littoral ne pénètrent pas dans l’intérieur
de la roche au-delà de douze pieds dans le sens horizontal : la différence
entre ce résultat et celui de nos observations sur la côte septentrionale,
provient sans doute de ce qu’ici les terres, en partie abritées par
les îles voisines, ne reçoivent pas des flots un choc aussi impétueux.
Le piton le plus élevé gît dans ia partie Nord-Ouest de l’île; ses flancs
sont fort escarpés. Je ne pus y monter moi-même; mais M. Gaudichaud
qui parvint avec beaucoup de peine à en atteindre le sommet, n’y découvrit
rien qui le dédommageât de ses fatigues. Par-tout la roche se montroit
couverte d’arbres vigoureux, sans aucune trace de terre végétale.
Les échantillons qu’il a rapportés de cette course, sont d’une pâte moins
blanche, mais présentent les mêmes caractères que ceux des roches déjà
observées dans le Nord-Est de l’îie.
Vers son extrémité Nord-Ouest, les rivages sont très-abruptes, presque
tous minés par le pied, et d’une couleur sombre. M. Duperrey, dans
son canot, les a vus de fort près , et y a reconnu plusieurs grottes creusées
par les eaux, quoique beaucoup plus petites et moins pittoresques que
celles qu’on rencontre sur tant de points de l’île Vaigiou.
Voici ce que nos échantiiions des montagnes Nord de Rawak ont offert
de plus remarquable :
e. Calcaires parfaitement compactes, sonores sous le marteau, à cassures
conchoïdes ou esquileuses, tantôt blanchâtres et tantôt d’un blanc gri