
Iles Mariannes. distinguées se faisoient un devoir et même un point d’honneur d’envoyer
De Thomme
en société.
successivement, chez toutes leurs proches parentes, une quantité considérabie
de riz cuit, lequel, après la promenade d’usage , étoit distribué
entre les personnes qui avoient un droit particulier à cette espèce de
faveur.
Fêtes de famille, jeux, musique. — Les fêtes de famille, c’est-à-dire,
celles auxquelles toute ia peuplade n’étoit point tenue de pendre part,
s’appeloient gapti ; elles avoient généralement pour motif la réception
d’un ami ou d’un étranger, une pêche abondante, ou bien ia réussite
de quelque entreprise d’un haut intérêt.
Grands partisans de la joie et du plaisir, ies naturels se raiiloient
agréablement les uns ies autres dans leurs réunions, et faisoient mille
bouffonneries pour se divertir. Iis étoient plutôt sobres par nécessité
que par inclination, car ils s’assembioient souvent pour se régaler de
poisson, de fruits, et du breuvage nommé laalaa ( i ). Au nombre de
leurs amusemens favoris, on doit compter ies jeux de natation , dont
il y avoit plusieurs espèces : en voici un exemple.
Deux nageurs A et B étant dans l’eau, en face l’un de i’autre, concevons
, pour chacun d’eux, une ligne idéale perpendiculaire à celle qui
^ les réuniroit, ainsi qu’on l’a tracé dans ia figure crc
............ ©..............C contre. Un des partners. A , par exemple, s’écrie
Antimal (2) [attrape ! ]; à quoi B répond, Djati ha
[iancez-vous donc]. — A. Mano djo [où dois-je
aller! ] — B. Ad/in ha [là donc]. A plonge alors
B
et doit sortir près de B , au-delà de D D' par rapport à lui : dans ce
cas, il peut être poursuivi et même pris par son antagoniste; mais dès
qu’il arrive entre les lignes C C' et D D ', il se trouve en sûreté, puisque
B ne peut s’emparer de A entre ces limites. B doit faire ses efforts
pour empêcher que A ne lui échappe et pour tâcher de ie saisir, soit
sous l’eau, soit à sa surface. Chacun des jouteurs montre, en cette
circonstance, son habileté et sa force.
( I ) L e G o b ien , 0^. c/f. ; voyfz aussi plus h a u t , pages 30 3 et 304.
( 2 ) Am im a est le nom même du jeu dont il s’a g it ; ce mot signifie proprement
sais ir quelqu'un que Von poursuit dans Veau.
LIVRE III. — D e T i m o r a u x M a r i a n n e s i n c l u s i v e m e n t . 397
Rarement le nombre des champions se trouve-t-il aussi limité , et Iles Mariannes.
presque toujours il est beaucoup plus considérable; partagés en deux ï/,®
bandes égaies, iis se rangent réciproquement sur les lignes C C et DD .
Lorsque le jeu commence, un des acteurs crie comme ci-dessus, Amima 1
on lui répond du côté opposé, et aussitôt la lutte s’engage. Deux autres
personnes leur succèdent, et l’on continue de la meme manière, jusqu’à
ce que tous ies nageurs soient en mouvement. La partie jouée
ainsi d’une manière complexe paroît à-Ia-fois plus vive et pius agréable.
La course, le saut, la lutte sur ie terrain, ia conversation (i), la danse,
étoient encore des occupations auxquelles ies Mariannais aimoient à consacrer
leurs loisirs. Il y avoit des danses de divers caractères, auxquelles
le chant étoit généraiement adapté. La seule dont j’aie vu exécuter le
simulacre étoit une ronde consacrée aux fêtes solennelles. Les hommes
et les femmes s’y trouvoient alternativement mêlés ; au miiieu devoit
être placé ie chef de la peuplade, de la famille, ou enfin ia personne à laquelle
on vouioit faire honneur. Tantôt ies paroles étoient relatives à
i’objet de la cérémonie , tantôt elies n’étoient que i’expression de ia joie.
A l’issue d’une guerre et pendant les réjouissances qui accompagnent
le retour de ia paix, on s’exprimoit ainsi:
Hasngon g o f-d ja p a la -a a n - ho,
De propos délibéré, belle femme - mienne,
N g a (2) ho s a d d i, g a i mina - ho;
. . . je ( te ) fais asseoir sur mes genoux , en présence - mienne ;
H o sa a n i nga mama on ,
Moi enflammer ( tes désirs ) avec ( une chique de ) bétel,
N g a p la p la d jo n ( 3 ) djan
Avec (la) feuille de bétel et ( la) noix d’arek (mâchés).
A ces paroles snccédoit un refrain composé de phrases mystérieuses (4 ),
dont quelques personnes seulement pouvoient jadis connoître le sens,
( 1 ) Dans leurs réunions, ils avoient un grand plaisir, selon le Gobien, à raconter ou plutôt
à chanter les aventures de leurs ancêtres.
(2) J ^ a , particule conjontive dont ii a été parlé ci-dessus, page 199, en note.
(3) On dit , par élision, p la p la d jo n au lieu d e p o p a la d jo n .
(4 ) Voyei plus haut, page 370.