<•16 GÉOGHAPHTE PHYSIQUE:.
16 octobre 184T) , le Beycher-sou n'atteignait point le
Soghlu-gheul et se perdait dans des marais; de plus, le
lac lui-même avait complètement disparu. Croyant m'être
trompé de direction, bien que je me trouvasse dans le village
Yalydja, que ma carte plaçait sur le bord même du
lac, j'exprimais aux habitants tout mon étonnement de ne
point le voir, lorsqu'ils me firent observer que le village
est en effet situé sur le bord d'une vaste dépression, qui
n'est autre chose que le bassin desséché du Soghlu-gheul.
11 n'y avait que deux années à peu près que ses eaux l'avaient
abandonné, et il ne présentait plus qu'une grande
surface parfaitement sèche, que je traversai avec ma petite
caravane, dans toute sa longueur, pour me rendre à Seïdichehr;
on la voyait jonchée d'une foule de coquilles
bivalves parmi lesquelles dominaient un Vnio voisin de
l'fJnio pictorum,.el un Jnadonte voisin de VAnadonte cyprea,
espèces assez communes dans les eaux lacustres de l'Europe
occidentale. Le lac paraît avoir été très-poissonneux,
et j'ai vu, chez les habitants, des provisions entières
de belles carpes salées qui en provenaient. L'altitude
moyenne du fond du bassin est de 1138™ au-dessus du
niveau de la mer, et l'on peut facilement obtenir la profondeur
qu'ont dû avoir ses eaux, en mesurant la hauteur du
rivage, depuis le fond du bassin jusqu'au point qu'atteignait
la surface de l'eau; or, cette mesure m'a donné
7 mètres 55 cent. On peut donc évaluer à 6-7 mètres la
profondeur moyenne du ci-devant lac de Soghlu. Sa circonférence
a dû avoir environ 12 lieues, sa largeur du nord
an sud 4 lieues, sa largeur dans son milieu 3 lieues, et sa
superficie environ 11 lieues carrées. Cependant, comme les
rivages du bassin sont d'une hauteur très-inégale, puisque
CHAPITRE M. M
dans ses parties nord et nord-ouest la dépression se relève
et se confond avec la plaine voisine, il s'ensuit que le
lac a dû avoir des profondeurs très-variées. Au reste,
comme le niveau qu'il atteignait à côté du village Yalydja
est très-connu, et qu'il s'y élève à pins de 7 mètres audessus
du bassin, la partie septentrionale du lac a dû
déborder considérablement et inonder les plaines voisines,
ce qui en effet avait eu lieu, d'après l'assertion unanime
des gens du pays.
Si les eaux du Soghlu-gheul l'ont abandonné sans retour,
il faudra désormais rayer des cartes de l'Asie Mineure
un lac dont la surface était presque égale à celle du lac
de Còme. Cette retraite subite d'une masse d'eau assez
considérable, ne laisse pas d'offrir un phénomène fort
intéressant, qui ne saurait être expliqué que par une modi,
fication éprouvée dans l'économie des réservoirs souterrains
qui l'alimentaient, quoique le dessèchement des cours
d'eau qui débouchaient dans le lac ait dû y avoir beaucoup
contribué; car, sans parler du changement qua
éprouvé l'embouchure du Beycher-sou qui, au lieu datteindre
le lac, se perd dans des marais qu'il a sans doute
fait naître , j'ai remarqué près de Yalydja, sur plusieurs
points du rivage, des orifices de petits torrents qui étaient
complètement à sec. Les habitants de plusieurs villages
limitrophes avaient même fait des démarches pour obtenir
des autorités locales l'autorisation de boucher complètement
les orifices de ces torrents, afin d'empêcher le retour
des eaux et de-tirer parti pour l'agriculture de l'excellent
terrain qu'elles avaient mis à sec. D'un autre côté, les
pêcheurs riverains déploraient la retraite de leur élément
chéri, et voyaient avec douleur leurs bateaux déserts rivés