8 8 8 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE,
quer d'unité de mesare, et d'éléments comparables, on ne
saurait sous le rapport du pittoresque établir des points de
similitude entre une contrée du midi et une contrée du
nord. I,es genres de beauté qui caractérisent l'une et
l'autre sont d'une nature tellement différente, que la
question de savoir laquelle des deux est la plus belle, se
trouverait presque toujours résolue dans les sens les plus
opposés, selon la nationalité et les habitudes des juges
auxquels cette question serait soumise. C'est comme si
on avait à se prononcer entre le coucher et Je lever du
soleil, ou entre l'astre du jour et celui de la nuit.
Afin de réduire l'idée du beau et du pittoresque à des
éléments d'une nature non conventionnelle ou locale et
ayant la même valeur pour les hommes de tous les pays,
on peut se contenter de n'admettre pour terme de comparaison
que le phénomène de l'intensité de la lumière et
celui de la variété des formes végétales.,, en les considérant
comme une des sources principales du pittoresque, et en
établissant par conséquent la règle, que dans la comparaison
des deux pays placés à peu près dans les mêmes
conditions de relief, plus ces deux phénomènes se trouvent
développés, plus il y aura de conditions du beau.
Or, en partant de ce principe, il est incontestable que
les régions du midi possèdent sur celles du nord une immense
supériorité, rien qu'en les envisageant sous le point
de.vuedes conditions physiques du pittoresque, etsans parler
de tout ce que fait naître dans le coeur et l'imagination
de l'homme l'aspect d'une nature, dont l'éternelle jeunesse
s'identifie avec l'idéal du poëte et du chrétien, en transportant
l'âme dans cessphères abstraites du parfait, qui excluent
les potions matérielles de naissance, de vieillesse et de mort.
CHAPITRE XI. 589
Ces avantages sont tellement frappants, que tout, artiste
du nord qui a eu le bonheur de les apprécier sur les lieux
mêmes , ne tardera pas à les reconnaître. On aura beau lui
rappeler les sites les plus remarquables des Highlands
d'Écosse, du pays de Galles, de la Suède, etc., on s'efforcera
vainement de flatter ses sympathies septentrionales
en comparant Edinburgh à Athènes, la baie de Dublin à
celle de Naples et en faisant valoir tantôt les effets des
ombres sévères que projette un ciel nuageux, tantôt la
fraîche verdure entretenue par une atmosphère humide; -
tout cela s'évanouira bien promptement devant le souvenir
d'un seul rayon du soleil méridional, se reflétant dans une
mer d'azur, ou dessinant les riches contours d'une végétation
variée, qui trouve en elle-même assez de contrastes
et de teintes, pour n'avoir pas besoin d'emprunter aux
vapeurs d'un ciel blafard, des nuances monotones.
Nous sommes bien loin de méconnaître les éléments du
pittoresque que peuvent posséder les contrées du Nord,
parmi lesquelles il en est une, - la Sibérie méridionale,—
dont nous avons été les premiers peut-être à faire ressortir
t. Presque tous lés Guidés du voyageur eu Angleterre reproduisent ces comparaisons
auxquelles avaient donné cours des hommes de beaucoup de mérite, mais
dont le goût se trouvait momentanément offusqué par un patriotisme déplacé. Sans
parler de la difficulté que l'on a de retrouver des points d'analogie véritable entre
les capitales de l'Ecosse et de l'Irlande, et celles de la Grèce et du royaume de
Naples, tout ce que l'on pourrait dire, pour soutenir cette prétendue similitude,
C'est qu'en admettant qu'Édimbourg et Dublin retracent l'image d'Athènes et de
Naples, les premières ne seraient que la terne et pile reproduction au daguerréotype
de deux tableaux coloriés d'après nature par la palette d'un Raphaël. Jamais peutêtre
les Anglais ne se montrent moins libéraux, que dans cette velléité de retrouver
dans leur pays le type pittoresque du midi ; c'est le riche qui envie au pauvre
le seul bien qui lui reste ; car, lorsqu'un pays se trouve placé, comme l'Angleterre,
à la tète du monde civilisé , et réunit à lui seul tout ce qu'oni les autres et tout ce
qu'ils n'ont point, il est juste, que du moins son ciel et ses sites soient inférieurs à
ceux dii Midi ; vouloir "ajouter encore cet avantage à tout ce que cette terre privilégiée
a le bonheur de posséder, c'est prétendre à une perfection impossible ici-bas.