•2 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE.
remplacés, dans les lieux auxquels ils s'appliquaient jadis,
par d'autres dénominations puisées dans l'actualité.
C'est par le double motif de la variété d'interprétations
dont il a toujours été susceptible, et de sa nature aujourd'hui
purement historique, que lé terme d'Asie Mineure
doit avoir quelque chose de très-vague et de très-confus ;
il devient donc nécessaire de se rèiidrë d'abord compte du
sens qu'on attache à ce nom, qui est à peu près tout ce qui
nous soit parvenu d'intact de la région classique qu'il représente.
Plusieurs auteurs ont déjà observé qu'il était probable
que le mot d'Asie eût pris naissance dans la contrée même
qui nous occupe, et qu'il y eût figuré comme nom local
avant qu'on l'eût généralisé pour l'appliquer à toute une
partie du monde1 .
Ainsi la vallée comprise entre le Caystre et le Tmolus est
mentionnée sous le nom d'Asia par Hortière % Euripide3 et
Virgile i ; de même, selon Strabon5, la Lydie s'appelait jadis
Asia; plusieurs villes de la Troade formaient un Etat gouverné
par un roi Asius 6 , et enfin, dans la Vallée du Caystre,
il y avait des monuments érigés en honneur de ce roi. Suidas
et Étienne de Byzance7 parlent d'une ville lydienne, Asia,
qui aurait existé au pied du Tmolus; et d'après Cedrene8
1. Strabon et Etienne de Byzauce disent posjtiveraêot ^ue du temps d'Homère.
la distinction entre l'Europe et l'Asie n'existait pas encore; et il est probable que
les traditions conservées par Stràbon, Gedrene, Suidas ; etc., sur la ville Asia et
le roi Asius, se rapportent 4 une époqne antérieure à Homère ; ce qui expliquerait
pourquoi cette péninsule a depuis les temps les plus reculés joui du privilège d'être
l'Asie, par excellence.
3. lliad. — 3. Bacch., yers 64-.
4. Georg., 1.1, vers 383 ; et JEneii., vu, vers 700.
5. L. un. — «. Mi.
7. Stephanus Byzantinus BeTJrbibus et Populis, AU A.
8. Georg. Cedreni Hislor. Comp., éd. de Bonn., 1.1, p. ÎÎ8.
CHAPITRE PREMIER. 3
le mot Asia prit naissance en Troade, connue naguère sous
le nom d'Epirrhopon, nom auquel le roi Tros substitua celui
d'asta en honneur du philosophe Asius, parce que celui-ci lui
avait offert une image de Pallas, destinée à servir d'égide
à la ville d'Illium que Tros était occupé à construire1.
Nous ne faisons qne rappeler en passant l'hypothèse
ingénieuse d'après laquelle quelques écrivains ont cherché
à rattacher l'origine du nom d'Asie au peuple des Asi dont
la tribu caucasienne des Ossètes d'aujourd'hui estconsidérée
comme représentant. Si de nouvelles recherches parvenaient
à mettre hors de doute l'émigration des Asi ou As dans la
partie occidentale de l'Asie Mineure, on pourra dire alors
que c'est à l'Europe que l'antique Asie doit et son nom et
ses habitants1. Quoi qu'il en soit, il n'en n'est pas moins
vrai que depuis les temps les plus anciens jusqu'à l'époque
des progrès rapides de la domination romaine, le nom
d'/tstà demeura exclusivement attaché à la partie occidentale
delà péninsule, soit qu'on l'étenditjusqu'auHalysy eomme
le fit entre autres Hérodote en l'appelant Asie Inférieure
pour la distinguer du reste du monde asiatique ; soit qu'on la
réduisit à ses limites primitives fort restreintes, et il est assez
1. Excepté ces étymologies plus ou moins géographiques du mot Asia, il en est
encore un grand nombre d'un caractère'mythologique, comme entre autres celles
que donne Hérodote (Melpomene), Apollodore, 1.1, DeDiis, et Eusthasius, dont
le premier dérive le mot Asia de la femme de Prométhée, et les deux autres de
sainère. Agatheméros, 1.1,1, admet une troisième étymologie d'une nature philologique
en dérivant le nom d'Asia du mot Aucov, à cause de la proximité de cette
partie du monde du continent européen. On trouve des considérations aussi savantes
qu'ingénieuses sur l'étymoiogie des noms Asie, Europe et Afrique, dans l'excellent
ouvrage de M. Sprengel : Geschichte der wigtigsten geographischen Entdeekungen.
2. Voyez sur l'établissement des Asi-en Asie Mineure (comme en général sur
toutes les questions relatives à son histoire ancienne) M. Vivien de Saint-Martin,
dans le t. II de sou excellente Histoire des Découvertes géographiques. Ce savant,
aussi laborieux que sagace, y a réuni et discuté tout ce qui avait-été dit sur ce sujet
par Heeren, Cramer Muller et d'autres.