»1» PRÉFACE.
localités qui figurent sur la carte de M. Kiepert, parce qu'il m'a été
impossible de les identifier avec les localités existantes, tandis que
l'orthographe de la majorité des noms propres a subi des modiflçations
plus ou moins considérables, justifiées par l'avantage que la connaissance
de la langue turque me donnait, sous ce rapport, sur la plupart
de mes prédécesseurs, avantage sans lequel il est complètement impossible
d'éviter les bévues les plus grossières dans la manière de rendre
les noms .orientaux dans nos langues européennes !'.
N'-ayant pas encore exploré le système des cours inférieurs du
Séihoun et du Djéhoun,je n'ai fait usage, pour le tracé des régions
qu'ils traversent, que des matériaux inédits, bien qu'ils ne-m'eussent
point fourni autant de détails qu'en renferme cette partie de la carte
de M. Kiepert, mais comme les matériaux dont s'est servi le général
Bolotoff, offraient de notables discordances avec cette dernière, tant
sous le rapport de la direction des cours d'eaux et des montagnes, que
sous celui de leur position astronomique, nous avons cru ne pas devoir
employer des éléments hétérogènes pour cette partie de la carte, sauf
à l'amplifier plus tard par nos explorations ultérieures.
L'ouvrage complet, intitulé Asia Mineure ou Description physique,
statistique et archéologique de cette contrée, sera, composé de quatre
parties principales, dont la première, livrée aujourd'hui à la publicité,
comprend la géographie physique; la seconde sera consacrée aux considérations
sur la climatologie et la distribution géographique de la
végétation; la troisième, à la géologie, et enfin, la quatrième, à
l'examen statistique, politique et archéologique de la péninsule.
La troisième partie sera accompagnée d'une grande carte géologique,
carte dont le tracé topographique se trouvera enrichi et modifié par
les observations auxquelles pourra donner lieu le nouveau voyage que
je suis sur le point d'entreprendre.
La quatrième et dernière partie de l'ouvrage sera précédée par un
aperçu historique sur l'état où se trouvait la péninsule à l'époque du
1. Dans les cas de discordance qui pourraient "se présenter entre le texte et la
carte, tant pour l'orthographe des noms que pour les évaluations numériques, c'est
le texte qui doit avoir la préférence. Au reste, comme l'impression de mon ouvrage
s'est faite pendant mon absence, et que les épreuves devaient aller me chercher au
milieu des courses diverses auxquelles je me livrais à travers les îles Britanniques,
il est naturel que l'exactitude du .teste se. soit ressentie de .ce mode de corrections
faites quelquefois eu chaise de poste ou dans les wagons rtu chemiu de fer,
PRÉFACE. 1*
premier établissement des Seldjuks (au nu* siècle) et sur les vicissitudes
qu'elle a éprouvées depuis cette époque jusqu'à aujourd'hui.
Cette introduction historique est indispensable, afin de pouvoir
comparer avee justesse l'Asie Mineure telle qu'elle est, avec l'Asie
Mineure telle qu'elle a été; or, comme cette contrée a traversé une
longue série de siècles en changeant successivement de face, le parallèle
dont il s'agit ne peut être établi sur des bases rationnelles queutant
que l'on compare l'actualité "à une époque, donnée. Après avoir
passé en revue comme termes divers de comparaison, les époques les
plus florissantes de la péninsule, je m'arrêterai, comme point de
départ principal, à l'époque où l'Asie Mineure passa pour la première
fois entre les mains de la race ottomane, qui depuis n'a pas cessé de
la posséder.
Le choix de cette époque, comme principal terme de comparaison,
offre le grand avantage de faire apprécier à sa juste valeur l'influence
qu'à exercée sur eette contrée la longue domination ottomane. Or,
avant de décider la question de savoir ce que les nouveaux maîtres y
ont fait de bon ou de mauvais, il est essentiel de se rendre compte de
l'état dans lequel ils l'ont reçue.
On a été généralement trop sévère, et souvent même d'une injustice
malveillante à l'égard de là race ottomane, chaque fois qu'on
a voulu apprécier l'action de sa domination sur ces belles régions.
L'arrêt qu'on se croyait en droit de prononcer péchait par sa base,
car on opposait l'Asie Mineure d'aujourd'hui à l'Asie Mineure telle
que nous la représentent Homère, Hérodote et Strabon, et on en tirait
la conclusion que la métamorphose qu'a subie, la contrée depuis ces
époques, a été opérée par ses possesseurs actuels. C'est comme si l'on
accusait de dilapidation les héritiers d'une grande fortune, rien que
parce qu'on aurait constaté l'état ruineux de cette dernière, que l'on
savait avoir été jadis très-florissante; les héritiers ainsi inculpés pourraient
faire exactement la même réponse que celle que les Turcs sont
en droit d'opposer à leurs accusateurs, c'est-à-dire qu'avant de les
condamner pour avoir ruiné le patrimoine, il faudrait d'abord s'assurer
de l'état dans lequel il leur a été transmis.
C'est pour poser la question sur son véritable terrain que je fais
précéder l'exposition de l'état actuel de l'Asie Mineure par l'introduction
susmentionnée. Ce coup d'oeil rétrospectif aura d'ailleurs un