i GÉOGRAPHI E PHYSIQUE,
remarquable que le terme d'Asie pris dans le sens éminemment
local qu'y attachait Homère se soit conservé encore bien
des siècles après que les Romains l'eurent appliqué à toute
la péninsule. C'est ainsi qu'Agalhias, qui écrivait sous le règne
de l'empereur Justinien, et conséquemment au v i siècle
de notre ère, en parlant de la ville de Tralles (Aidin) dit :
«Traites est située dans la v a l l é e appelée actuellement Asie»'.
C'est évidemment la vallée du Caystre d'Homère. Lorsque
les Romains eurent commencé à s'emparer successivement
des diverses régions de la péninsule, le sens du nom d'Asia
s'élargit à mesure que se développèrent leurs conquêtes.
Aussi, à l'époque où ils ne possédaient dans la péninsule
que la partie qui embrassait le royaume de Pergame, qui
leur avait été légué par le roi Attale, l'isia des Romains
avait pour limites celles de ce royaume; c'était la « provincia
nostra» dans le sens de Varron2 ; mais quand les
Romains eurent franchi le Halys et porté jusqu'à l'Euphrate
leurs drapeaux triomphants, toute la péninsule (jusqu'à
l'Arménie) prit le nom d'Asia, et dès lors les principaux
géographes l'admirent dans cette acception étendue en
subdivisant la péninsule en Asie de ce côté du Taurus (Asie
citérieure) et de l'autre coté du Taurus (Asie ultérieure)3.
Ainsi Appien, qui écrivait dans le courant du 11e siècle
de l'ère chrétienne, désigne 4 toute la péninsule par le nom
à'Asie Inférieure et le reste du continent asiatique par celui
1. Agattliioe Bist.,1. ïi, 17- •
2. De Lingw latina, 1. v; c. 16.
3. Asia ois, titra où intraTaurum, et Asiaultra ou extra Taurum. Dans cette
division, les'Romains se. serraient, comme point de délimitation, indifféremment
du mont Taurus et du fleuve. Halys ; car Strabon dit, 1. m : « Ce qu'Hérodote
appelait de ce côté du Halys, nous l'appelons aujourdlhui de ce côté du
Taurus.»
4. De Bell, civil., 1. n, 89.
iCHAPITRÈ PREMIER: 8
d'Asie Supérieure É II divise la première en Asie dé ce côté
et en Asie de l'autre côté du Taurus Toutefois, en traitant
des. conquêtes de Mithridate dans la péninsule, il dit que
cë prince parcourut la Phrygie, la-Mysie et l'Asie; or, ici il
n'applique cette dernière dénomination qu'à la contrée de
Pergame, et par conséquent à la portion occidentale de la
péninsule3. Velleius Paterculus en parlant de ces mêmes
guerres de Mithridate, distingue la province d'Asie, dé l'Asie
prise dans le sens de la totalité de la péninsule, lorsqu'il dit
que le souverain du Pont s'empara de l'Asie; par ce terme
l'historien romain désigne toutes les régions qui composaient
cette presqu'île à l'exception du Pont ; mais quand
il ajoute qu'à cette époque Sylla fut chargé de l'administration
de la province d'Asie, il n'entend plus que la partie
occidentale de la péninsule. Arrien5 , après avoir rendu
compte des premiers mouvements d'Alexandre dans la péninsule,
dont une partie du littoral occidental lui fut acquise
à la suite de la victoire du Granique, désigne cette partie
par le nom d'Asie, que dans un autre endroit de son livre
il appelle également Asie Inférieure.
C'est dans ce sens restreint que les écrivains anciens ont
particulièrement employé le terme d'Asie, tandis que l'acception
plus étendue comprenant toute la péninsule de ce
côté et de l'autre côté du Taurus paraît n'avoir jamais eu
qu'une valeur plutôt théorique que pratique.
En effet, depuis l'époque de Strabon, qui coïncide à peu
près avec le commencement de notre ère, jusqu'aux empereurs
chrétiens, le nom d'Asie n'a été généralement appli-
•1. De Bell, syriac., 1. x, 18. — 2. Ibiii.,,e. 38.
3. De Bell. Mithrid., 1. xn, 20 et 112 ; De Bell, civil., 1. in, 2.
4. Ml. Rom., L u, 18.— S. Hist. Alex., 1.1, 20. • ; _ . ;; •