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mont', des pentes des cours d'eau les plus importants
connus jusqua ce jour, L'étude de cet intéressant document
auquel le célèbre géologue a su donner l'empreinte
de son esprit aussi élevé que pratique, prouve que
des pentes locales de 30 à 45 métrés par lieue, assez communes
en Asie Mineure, sont loin de se produire ailleurs
avec la même fréquence, et n'appartiennent pour la plupart
qu'aux régions alpestres.
3° En examinant la répartition des cours d'eau sur la
surface de l'Asie Mineure, on ne tardera point à s'apercevoir
qu'ils y sont fort inégalement distribués. Ce fait
contribue à faire naître un des traits les plus saillants de
la physionomie extérieure delà péninsule, eh imprimant
un caractere aride et stérile à plusieurs régions presque
complètement privées d'eau à l'époque des chaleurs estivales
Cela.est nommément le cas avec les grands plateaux
de la Lycaome, de la Galatie, de la Phrygie, et de la Cappadoce.
La première de ces contrées était déjà désignée
chez les anciens par l'épithète d'axylon ou déboisée et
toutes ont constamment joui de la triste réputation de dévenirpresqueinhabitables
pourl'homme aussitôt que celui-ci
leur retirait l'appui de son industrie créatrice. Les chroniqueurs
des croisades qui parlent,pourla plupart, en témoins
oculaires, exhalent tous un long cri de douleur et de
désespoir quand ils mentionnent ces régions. Ainsi, Albert
d Aix1 et Guillaume de Tyr 3 nous tracent un tableau émouvant
des horribles souffrances auxquelles l'armée de la première
croisade fut exposée en passant par la Phrygie,
¡ l É J f J È J - '<¡0 la France, toi. IV,
S. L. lu', | — 1 1 . lu, 16.
CHAPITRE VU. 38 1
l'Isaurie et la Pisidie, où, selon l'archevêque de Tyr, cinq
cents personnes expirèrent en un seul jour dans. les angoisses
de la soif. Baldricus ' et Guibert qualifient de « terra deserta,
invia, inhabitabilis et inaquosa, » la contrée qûe les croisés
traversèrent depuis Nicée jusqu'à Konia ; et lorsqu'ils furent
arrivés dans cette dernière ville que Baldricus dépeint
comme étant en proie à cette pénurie, « pemriam aquarum
palitur, » ils furent obligés, pour franchir la Lycaonie,
de se munir d'outrés pleines d'eau. Robert le Moine' dit
la même chose, et Pierre Tutebode3 qualifie également de
terra deserta et inaquosg. » la contrée entre Goëkseen, et
Marrach Accolti qui écrivait au xiv' siècle, donne aussi
des détails fort curieux sur tour t e que les croisés eurent
a souffrir du manque d'eau dans les plaines de la Phrygie,
de la Lycaonie, etc.
4° La rapidité du cours, combinée avec la largeur peu
considérable du lit, contribue à donner aux rivières de
l'Asie Mineure une propriété caractéristique de plus, C'est
celle de charrier une énorme quantité de détritus qui occasionnent
des ensablements et des dépôts sur une échelle
vraiment extraordinaire. Les effets de eé phénomène sont
d'autant plus remarquables, qu'ils se trouvent constatés
dans leur marche progressive par un grand nombre de monuments
historiques. Il en résulte, d'un côté, un accroissement
fort appréciable de plusieurs points littoraux, et
d'un autre côté, soit l'ensablement du lit de ces rivières,
soit un changement dans, la direction de Ces dernières, soit
enfin leur complète disparition. Les exemples remarquables
1. L. H, p. 99, ap. Gesta Dei per Francos.
S. L. ni. — 8. L. w.
t. De Beilo a Christ, contra Bari, gesto, 1. H, p. 88-