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de l'Asie Mineure leur était inconnue, on du moins qu'elles
ne jouissaient d'aucune réputation î.
Il est vrai que les eaux thermales, en général, n'avaient
pas pour les anciens la haute signification qne les découvertes
des sciences chimiques et médicales leur ont donnée
aujourd'hui, ce qui n'empêche point qu'ils connussent
les propriétés curatives de beaucoup de nos eaux minérales,
tout en leur prêtant quelquefois des vertus fabuleuses.
Cependant lorsque dans son livre xxxr Pline traite
des sources remarquables soit par leur température, soit
par leurs qualités incrustantes ou par tout autre caractère,
il ne cite en Asie Mineure que la fontaine de Marsyas près
de Celajne (le village Dinneir d'aujourd'hui), à laquelle il
1. Un grand nombre de nos eaux thermales de l'Europe offrent des traces incontestables
de constructions antiques qui prouvent qu'elles avaient été un objet de
soins tout particuliers pour les anciens. Dans un intéressant ouvrage que M. Beaulieu
vient de publier sons lé titre « Antiquité des eaux minérales île Vichy, Plombières,
Bains et Niederlàrn, etc. », il signale, dans tîntes ces localités, dés restes
de constructions thermales qui remontent à des époques plus ou moins reculées.
C'est surtout dans les thermes des Vosges que se trouvent des restes de piscines et
de canaux qui les alimentaient, et ¿ont quelques-uns sont dans un état de conservation
parfaite. Il serait d'aillenre aisé de prouver que les Romains connurent nonseulement
les plus célèbres parmi nos eaux thermales actuelles, mais encore toutes
celles qui, sous le rapport de leur importance, ne jouent aujourd'hui qu'un rMe
plus ou moins secondaire. Ainsi, Pline* mentionne les Thermal Silinuntioe, en
Sicile, près de Sciacca; Tacite «pa r l e des eaux de Bade, en Suisse, dans le canton
d'Argovie ; Polyhe "».Pinda r e™, Diodore de S i c i l e " " ' et C i c é ron" " " citent
les eaux chaudes de la ville de Thermini, sur la cite orientale de la Sicile; Josèphe*""",
celles d'Emmatis, près du lac Tibérias, dans la Galilée; Ptolémée,
les eaux de Bath en Angleterre. La connaissance parfaite que possédaient les anciens
de toutes les eaux thermales fréquentées aujourd'hui dans les pays les plus divers,
n'en contraste que pins fortement avec le silence qu'ils gardent relativement à
l'Asie Mineure, avec laquelle ils devaient certainement être mieux familiarisés qu'avec
les provinces de l'Ibérie, de la Gaule, de la Germanie et de l'Angleterre et
dont les eaux thermales l'emportent peut-être (du moins par leur nombre) sur celles
de toute autre contrée.
' L. TE, E. — " ïliit; 1.1, 67. — L. I, 24. — Olunp. M. — L JV
Vers. i. — ••••4B Jmt, iv, !,
CHAPITRE VII.
attribue la faculté de rejeter tes pierres; les deux sourees
Glmon et Jeton, qu'il place dans les mêmes parages et dont
l'une, selon lui, fait pleurer, et l'autre fait rire et enfan
la source de Jalius, en Phrygie, à l'eau de laquelle Pline
attribue des vertus médicinales, tout en observant qu'il
faut en boire très-modérément de peur de devenir fou. Il
cite encore des sources près de la ville de Colosse et celles
que renferme l'antre de Corycus, mais il ne mentionne seulement
pas les phénomènes remarquables d'incrustation
que présentent les eaux chaudes d'Hiéropolis, phénomènes
parfaitement connus à Strabon, ainsi que nous l'avons observé.
En revanche, les anciens attribuaient à quelques sources
froides des propriétés fabuleuses ou exagérées. Nous avons
cité les passages de Pline et de Strabon relativement aux
vertus médicinales du Cydms (Tarsous-tchaï), dont l'eau
était considérée par les anciens comme remarquable à
cause de sa température extrêmement basse3 .
1 L XIII 16- 2. L . I N , S.
3' Dans le'livre HOE de son Histoire naturelle, Pline apostrophe durement les
médec&s en général, dont l'introduction à Rome était, selon lm, un de ces fléaux
pernicieux que les Romains devaient à la corruption grecque. Charlatanisme, vénaffié
meurtre, adultère, tans les crimes en un mot sont imputés par Pline a ces
infâmes apôtres d'Esculape, contre lesquels il ne croit pas pouvoir assez prémunir
ses concitoyens comme contre une lèpre qui ronge la société. Parmi ces monstres,
dont il nomme quelques-uns pour les flétrir à jamais, il mentionne deux médecins
venus de îlarseffle, dont l'un eut l'impudence de prescrire, a Mre de moyens curatifs
l'usage de l'eau froide dans laquelle il plongeait ses malades. En présence de
cette pièce de conviction, le philosophe romain ne peutplns contenir sa fureur.; il
s'écrie • « Oui j'ai vu moi-même des vieillards centenaires qm se faisaient une
rioire de grelotter dans de l'eau froide ( videhamus senes consulaies usque ostentationem
riamtes) ! » Ce curieux passage de Pline prouve que la célèbre découverte
de Priestnitz avait déjà été pratiquée il y adix-huit siècles, et il parait même
oue le docteur Charmés, ane Pline accuse de cette coupable extravagance, na
manqué ni d'imitateurs ni de prédécesseurs:, car Suétone nous apprend que lorsque
l'empereur Auguste soufrait d'une maladie de foie, Anlomvs Musa, son médecin,
au lieu d'employer des bains chauds, se servit, poulie guérir, de l'eau froide.